Chapitre 28 - Nuit sans sommeil

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Mes draps me collent à la peau, ma tête bourdonne et j'ai beau fermer les yeux, mon esprit ne cesse de divaguer sur tous les événements précédents. Les bas-fond, l'ombre chantonnante, la Hag, son message sur ma mère. Le quartier général des gardes royaux. Plus je tente de faire le vide, plus c'est l'angoisse qui me serre la poitrine.

Je voudrais hurler, mais ma gorge est nouée. Par moment, plongée dans cette obscurité, mon corps se rappelle la désagréable sensation d'humidité dans la grotte de Cysara. Mes oreilles sifflent, je crois percevoir les pleurs des Sprites suspendues au plafond.

Par réflexe, j'attrape ma perle entre mes doigts. Aussitôt les brides de conversation me reviennent, ce bijou tant convoité a une histoire. Mais laquelle ?

Tout le monde semble éviter de me donner des réponses. Si les humains ou créatures désirent rester muettes, alors j'irai chercher l'information ailleurs. Dans les livres.

Mes parents adoraient lire, ils m'ont rapidement donné goût à la lecture. La bibliothèque semble être l'endroit parfait pour finir la nuit et attendre le petit-déjeuner.

Je quitte mon lit sans regret, frissonnant jusqu'au sommet de la tête en sentant la moquette sous mes pieds. Je ne croise aucune soeur sur mon passage. À vrai dire, je m'attendais à être sous cloche, surveillée à chaque seconde. Mais Lera semble me faire confiance.

Une horloge en bois dans le couloir indique qu'il est presque trois heures du matin. Je pensais avoir tourné plus longtemps que ça. Je pénètre dans la bibliothèque, une bougie à moitié consumée est posée à l'entrée. La cheminée crépite doucement, ce sont les uniques sources de lumière.

J'entends une respiration et des pages qu'on feuillette. Dommage, je ne serai pas seule. Je m'avance à pas de loup jusqu'au fauteuil devant le foyer quand je rencontre deux iris bleus.

— Tu ne dors pas ? questionne Morgan, relevant à peine la tête de son ouvrage épais et poussiéreux.

Est-ce qu'il est toujours en colère ?

— Non, je suis un peu décalée à force de voguer la nuit.

— Tu t'y feras.

Je me pince les lèvres, j'aurais préféré qu'il soit un peu plus prévenant, comme hier. Mais j'ai ma part de torts, j'ai risqué sa liberté en me retrouvant au bras d'Elouan. Dans mon esprit, je cherche les bons mots pour m'excuser sans passer pour une gamine têtue.

Longeant le second fauteuil, je m'apprête à m'y installer quand je découvre une pile de livres en équilibre contre le dossier.

— J'aime bien tout avoir sous la main.

Je vois ça, c'est assez drôle et quelque chose me dit que l'habitude ne date pas d'aujourd'hui.

— Il y a suffisamment de place ailleurs.

Il me sonde du regard, essayant de lire toutes les émotions qui me traversent l'esprit.

— Il fait froid loin du feu, on devrait rentrer à deux.

Il tapote son assise en se décalant. Je sens le rouge me monter aux joues. Nous nous sommes déjà retrouvés serrés dans des petits espaces, mais dans l'auberge de Nerra, la couverture pouvait masquer la proximité.

Cette fois-ci, il n'y a rien.

J'ai l'impression de me mettre à nue quand je m'installe, mes fesses rentrent à peine et je suis obligée de placer mes jambes sur les siennes, l'accoudoir contre le bas du dos.

Morgan passe son bras autour de mes genoux pour me coller à lui. Il garde sa main sur ma cuisse, l'autre tient son épais ouvrage à la quatrième de couverture abîmée et cornée.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant