Chapitre 34 - Course poursuite

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Nous plaçons nos masques convenablement sur nos nez en prenant la sortie de la Bibliothèque Universelle. Je garde en mémoire la douce odeur qui s'échappe dans un dernier courant d'air avant de disparaître. La rue est toujours bondée, je relève la tête pour découvrir de nouvelles façades peintes à la main et des chars couverts de fleurs.

J'aperçois Morgan faire de même, de manière plus vive, agitée. Il observe par-dessus son épaule à de nombreuses reprises et échange une œillade avec son second. La foule s'arrête devant nous, nombreux sont ceux comme nous qui scrutent les alentours.

La musique des troubadours qui sifflaient dans les ruelles depuis notre arrivée cesse. Quelques enfants se faufilent entre les jupons de leurs mères, les échanges se raréfient. Les vendeurs stoppent leur marchandage.

Je devine du coin de l'œil un des gamins de la bande à Basil détrousser un homme richement vêtu. Un groupe de jeunes femmes vêtues de teintes orangées et rouges semblables discutent de façon agacée en agitant leurs éventails devant le visage.

— Les gardes royaux n'ont-ils de cesse d'interrompre le Festival de la Feuille ?

— Un des chenapans du théâtre a été pris la main dans le sac. Pour s'en sortir, il a avoué avoir accueilli le terrible Capitaine Krug cette nuit.

La chair de poule s'empare de tout mon être, je sens mon duvet se hérisser sur mes avant-bras jusque sur ma nuque. Je jette un regard hagard au concerné, lui aussi a parfaitement entendu la conversation.

J'aperçois derrière les cordages de son masque, une veine pulser furieusement, il serre les poings et la mâchoire. Nous n'avons pas été prudents, pas assez. J'appose une main timide sur son bras contracté.

Alors que j'ouvre les lèvres pour m'exprimer, Morgan parle le premier, il observe furtivement derrière et devant lui.

— Si nous sommes cernés, tu vas devoir t'enfuir.

— Pardon ?

Il ne prend pas la peine de m'expliquer, il se fond dans la masse, suivi de près par Elliott. Peut-être ont-ils déjà dû faire face à ce genre de situation au cours des cinq cents dernières années ?

Je joue des coudes pour me frayer un chemin à leur suite, les regroupements de personnes m'empêchent d'avancer aussi vite que je le souhaiterais. Au bout de l'avenue, je discerne parfaitement les uniformes rouges. Mon cœur rate un battement, cette couleur ne nous apporte que des ennuis.

Leur présence en ligne bloque toute la parade, ils interpellent les passants un à un et leur demandent d'un geste du doigt de soulever leur masque.

Des sueurs froides me traversent le dos, Morgan n'est pas déguisé comme sur Findar, il sera reconnu sans mal dès qu'il quittera son costume. Il semble le savoir, il fait volte-face pour revenir à ma hauteur.

Son regard passe de moi à la foule derrière mon épaule, il l'examine avant de pester. Je fais de même et comprends que nous sommes cernés. Les rues adjacentes sont aussi contrôlées par la garde royale. Je n'aperçois plus que du rouge sanglant alors que ma vision se trouble et que mon cœur bat la chamade.

Les passants ont du mal à comprendre ce qui se passe, si on leur explique la soudaine raison de ce contrôle, beaucoup paniqueraient.

— On ne va pas pouvoir s'échapper aussi facilement, déclare Elliott en analysant la situation.

Mon pouls pulse dans mes tympans, j'entends à peine les ordres que le Capitaine donne à son second, sous cape, il lui tend un révolver. J'ignorais qu'il en portait un sur lui. C'est dangereux, extrêmement dangereux. La main de Morgan se pose sur ma joue, il me faut quelques secondes avant de retrouver un semblant de sérénité.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant