47. Cemetary

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LIAM 

Nous y sommes. Hier j'ai posté cet article, aujourd'hui me voilà en train de errer entre des couloirs de pierres tombales.

J'ai toujours détesté les cimetières, peut-être bien parce qu'ils représentaient le deuil et la tristesse, ce que j'abhorrais particulièrement. L'image que j'ai de ces endroits se traduit par un ciel gris et un calme pesant.

Parce qu'à chaque pas que nous faisons, nous passons devant des corps ou plutôt ce qu'il en reste. Ça me glace le sang et pourtant je ne suis pas quelqu'un qui se laisse facilement assaillir par la peur ou une connerie de ce genre.

Mais ça, c'est quelque chose que je ne peux pas supporter.

J'en suis arrivé à un point où lever les yeux est devenu un supplice et lire les prénoms des inconnus tombés aux oubliettes l'est d'autant plus.

C'est juste glauque et malsain. J'aimerais rencontrer ceux qui ont eu la merveilleuse idée d'enterrer les défunts et les foutre sous terre. Je les imagines près d'un corps, parce que oui, pour moi ils sont plusieurs car un seul cerveaux ne peut penser à faire une chose pareil. Quoi que, les humains sont parfois surprenants. Mais voilà, ils étaient là, à attendre et pleurer leur mort quand soudain l'un des leurs aurait crié " On va creuser un trou et l'enterrer!".

Je ne veux offenser personne, mais si leur souhait était d'éviter de faire tomber dans l'oubli la personne qu'ils aimaient, c'était peine perdue. Comment peut-on se souvenir de quelqu'un qui n'existe que par une gravure sur la pierre?

Enfin, je suis mal placé pour parler puisque j'ai fait beaucoup de choses regrettables pour arriver ici, qu'elle ironie.

Je ne peux pas encore y penser maintenant.

Alors j'entreprends d'avancer dans un autre couloir à l'atmosphère tout aussi mortuaire. Mes pieds frottent contre les gravillons dans un fracas silencieux. Puis une tombe se présente à moi comme si j'étais celui qu'elle attendait depuis le début.

Sur l'instant, je ne suis pas capable de réagir. Je suis figé comme la pierre de mon père.

Lincoln Nguyen

1879-2016

C'est donc là-dedans que tu croupis papa?

Personne n'a entretenu sa tombe. Il n'y a même pas de décoration, seul un vase rempli de fleurs mortes repose sur la pierre à moitié verte. La rage monte en moi si facilement, je suis obligé de serrer les dents pour me contenir.

Même sa putain de famille n'a pas eu l'idée de venir s'en occuper. 

Sa famille n'a jamais été la mienne, ils l'ont toujours rejeté pour les choix qu'il faisait. Rien n'était jamais assez bien pour eux, la dernière fois que j'ai dû les voir je devais avoir sept, huit ans. Ils ne faisaient que de l'enfoncer au plus bas, je les ai toujours haïs. 

C'est peut-être pour ça qu'il a décidé de se jeter sous les rails d'un train.

Ma main viens frotter avec hargne mes yeux car je ne suis plus en mesure de voir ça. C'est encore moins supportable que ce que j'avais imaginé toutes ces années. Je pensais que ça me soulagerais mais le nœud qui se forme dans ma gorge me prouve le contraire.

Je m'accroupis et respire de mes lèvres tremblantes. L'impuissance face à moi me donne envie de gerber mes tripes. Parce que, putain, je n'ai que des souvenirs pour pleurer. C'est comme si tout ce que j'avais vécu avec n'était qu'un rêve, qu'il n'avait jamais existé. 

love from a lieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant