Chapitre II : Cruauté

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Quelques semaines plus tôt

Cela faisait seulement quelques jours que Mikasa était au service de la cité dynastique. Servir dans ce palais immense était loin d'être quelque chose de tout repos et pourtant elle apprenait à apprécier ce nouveau quotidien que madame Whether lui avait permis de bénéficier en l'achetant auprès de ce marchand pour une somme dérisoire. Néanmoins, il y subsistait bel et bien une chose qu'elle ne pouvait pas supporter. Une seule chose qui avait le don de lui hérisser le poil malgré tous les efforts qu'elle s'efforçait de faire pour aller dans son sens.

- Non, mais c'est une blague, j'avais pourtant expressément demandé un infusion à la rose et au jasmin blanc.

- Pardonnez-moi, dame Mariah, j'étais pourtant certaine d'avoir préparé la bonne infusion.

- La bonne infusion ? Ça se voit que tu n'as aucun goût ! En même temps, quelle idée de faire venir une esclave !

- Je n'ai peut-être pas votre sens du goût mais je vous assure être suffisamment éduquée pour prendre le temps de lire l'intitulé d'un décoction.

- Comment oses-tu me répondre ! Insolente !

La tasse de thé venait littéralement de traverser la pièce et de s'écraser aux pieds de Mikasa qui tressauta. Il s'en était fallu de peu pour que le contenu du projectile ne l'ébouillante. Impassible, elle s'agenouilla afin de machinalement ramasser les morceaux de porcelaine fendue et d'essuyer le breuvage s'étant répandu sur le sol. Mikasa se retrouvait encore à subir le énième caprice de cette insupportable aristocrate baignée dans l'opulence.

- Tu n'es vraiment qu'une bonne à rien ! Je ne comprends pas pourquoi notre souverain n'a t-il pas réduit ce stupide continent.

- Avez-vous besoin d'autre chose, dame Mariah ?

La jeune femme dont la chevelure blonde ondulée était soigneusement attachée s'empressa de soupirer un long moment, semblant lui faire comprendre qu'elle était fortement exaspérée.

- Oui, ma suivante a visiblement décidé d'être malade un jour de plus et c'est bien pour cela que je me coltine ton infâme présence ! Elle était chargée d'aller nourrir les oiseaux de la volière aujourd'hui.

- Je pensais que cette tâche n'était pas destinée aux servantes ?

- Evidemment qu'elle ne l'est pas ! Cette stupide volière est là pour distraire les habitants du palais. Aller donner des miettes de pain à ces stupides piafs, c'est trop peu pour moi ! Mais toi, la fiente, ça doit être familier, non ?

- Je ne crains pas de me salir les mains, si c'est ce que vous venez de sous-entendre...

- Parfait, je savais que cette tâche était parfaite pour toi. Va donc et presse-toi ! Une dure journée t'attend demain également, incapable !

- Bien, dame Mariah.

Mariah Alabella Fritz était ce que la terre avait créé de plus méprisable. Depuis qu'elle avait eu écho de la présence d'une esclave en provenance de Mahr au palais, cette dernière n'avait cessé de prendre un malin plaisir à lui donner des ordres visant principalement à la malmener. Dans la plupart des cas, rien n'était jamais à la hauteur de ses attentes et bien évidemment tout cela résultait du fait que Mikasa n'était qu'une bonne à rien d'esclave venue de Mahr. Mariah était une des dernières descendantes de la famille royale du peuple Eldien et sa présence était considérée comme indispensable au sein du palais. La jeune poupée blonde aux idées étriquées était inatteignable et Mikasa ne pouvait malheureusement que se contenter de subir ses caprices. Souvent entourée d'un cortège de suivantes, sa façon de considérer la jeune esclave de Mahr avait fini par contaminer toutes ses servantes qui la traitaient de la même façon une fois qu'elles se retrouvaient dans les dortoirs.

"Heureusement, pour une fois je peux respirer en paix dans cette volière" murmura la jeune femme en ouvrant l'immense porte vitrée.

La volière du palais était une immense serre abritant de multiples espèces d'oiseaux aux plumages colorés et dont les teintes apportées une vivacité presque exotique. Pourtant cette faune et cette flore abondante abritait également un monstrueux rapace dont la présence permettait de réguler un tant soit peu l'écosystème de la serre. Pendant que les autres oiseaux se nourrissaient des graines qu'elle était en train de disperser, le prédateur en profitait pour dévorer les œufs dissimulés dans les nichoirs.

- Allons, allons, il y en aura pour tout le monde, ne soyez pas si pressés ! Vous m'étonnez que miss princesse ne vienne pas vous nourrir ! Vous êtes encore plus indisciplinés que moi !

"Eh voilà que je me retrouve à parler à des oiseaux..." souffla-t-elle.

Les différentes espèces qui se tenaient en face d'elle ne semblaient absolument pas intimidées par sa présence, on pouvait remarquer qu'elles étaient tout bonnement habituées à l'Homme.

"Voyons, jusqu'où vous êtes prêts à aller..."

Intriguée par la docilité des multiples oiseaux qui se tenaient autour d'elle, Mikasa déversa le restant de son panier dans le creux de mes mains. Ces dernières furent fixées pendant de longues minutes par les multiples petits habitants de la serre qui semblaient quelque peu hésitants. Mais soudain, à l'instant même où elle s'apprêtait à lancer les graines par terre, quelques vaillants aventuriers s'élançèrent dans le creux de ses mains afin d'en picorer le contenu. Elle ne put dissimuler sa surprise quand ses rires se mêlèrent aux piaillements de ses assaillants dont les plumes lui chatouillaient le visage. Ce moment était vraiment agréable, au point qu'elle se retrouva à envier toutes les personnes qui étaient en droit de se rendre dans cette volière. Une étrange sensation lui traversa soudainement l'esprit. Quelqu'un l'observait et elle venait seulement de le réaliser. Elle releva son regard en direction de l'entrée où elle pu vaguement y apercevoir une silhouette qui semblait s'éloigner. C'était sans l'ombre d'un doute celle d'un homme mais sa récente arrivée ne lui avait pas permis de rencontrer tous les sujets du palais et elle ignorait donc de qui il pouvait s'agir précisément.

Le lendemain...

Il lui avait été impossible de retenir ses larmes face au spectacle macabre devant lequel Mikasa se tenait et pourtant elle venait de tomber naïvement dans un piège. Tout était trop beau pour que Mariah se contente de l'inviter une seconde fois à aller nourrir les oiseaux de la volière. Rapidement, elle réalisa que les graines qui lui avaient été données la veille avaient été mélangées à un poison qui avait lentement tué tous les oiseaux de la volière. Le crépuscule enveloppait la serre d'une étrange lumière et la jeune femme désemparée ne distinguait à présent plus que les ombres de tous ces petits cadavres gisants sur le sol. Elle posa immédiatement sa main sur sa bouche pour ne pas laisser échapper un cri d'effroi et alerter qui que ce soit d'autre. Des larmes coulèrent sur ses joues et elle tentait désespérément de comprendre comment un geste aussi abominable avait pu être commis.

- Eh bien, c'est un peu radical comme manière de nourrir les oiseaux tu ne trouves pas ?

Mariah venait d'entrer dans la serre et ne semblait pas le moins du monde surprise par tous ces oiseaux inertes répandus sur le sol.

- C'est vous qui avez fait ça ? C'est vous qui avez empoisonné la nourriture que vous m'aviez donnée ?

- Moi ? C'est toi qui les a nourri ma chère Mikasa. Et puis, tu m'as dit que tu étais suffisamment éduquée pour lire le contenu d'une "décoction", non ?

- Comment avez-vous pu être aussi cruelle...

- Plutôt que de m'accuser, tu devrais te dépêcher de nettoyer tout cela et de trouver une bonne excuse, tu n'es rien à leurs yeux. Et cette volière est un peu le bijou du souverain, le connaissant il serait capable d'exécuter quelqu'un pour moins que ça !

Mikasa ne put s'empêcher de grimacer, retenant son envie irrépressible de lui envoyer son poing au visage. La jeune blonde dans sa parfaite toilette se retourna en direction de l'entrée devant laquelle sa fidèle servante l'attendait. La serre venait de progressivement être plongée dans l'obscure étreinte de la nuit et un sourire satisfait se dessina sur son visage angélique faisant trembler Mikasa d'une rage intense.

- Passe une bonne nuit, Mikasa. 

Pour l'amour d'un tyran | EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant