Zineb

Asseyez vous

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Une drôle d'ambiance règne dans la maison. Nous sommes tous assis autour de la table basse. Cette fois aucune partie de console en famille ne va se dérouler. J'ai un très mauvais pressentiment. Une révélation bouleversante va se faire je le sens. Une question tourne en permanence dans ma tête: qui cela concerne-t-il? Samir et moi sommes collés l'un à l'autre, recroquevillés dans le canapé.

Lorsque nous étions petits, Samir venait souvent me voir la nuit pour dormir avec moi quand il avait peur et nous nous recroquevillions dans mon lit. Cela lui permettait d'oublier sa peur et de se rendormir. Ce soir, nous avons tous les deux peur mais aucun de nous deux ne peut rien pour l'autre. Je me remémore cette douce époque et cela me détend un peu mais pas autant que je le voudrais.

Nos parents échangent silencieusement juste en se regardant. Ma mère acquiesce en direction de mon père, elle s'avance vers nous et nous regarde:

« Ce que nous allons vous dire va être très dur à entendre. Il faut que vous n'oubliez jamais que l'on vous aime plus que tout au monde et que nous avons tout fait pour que vous deux, ne manquiez de rien ».

Cela ne me dis rien de bon... Elle s'interrompt, cherche ses mots puis poursuit:

 « Ma chérie j'espère que tu nous pardonneras mais c'était pour ton bien ».

A cet instant, tout autour de moi s'effondre. Mon cœur s'arrête et une angoisse sourde m'empêche de respirer correctement. Je sens mon frère prendre naturellement ma main et la serrer. Je sens le regard de mon père se poser sur moi espérant deviner mes pensés. Comment peut-il penser deviner quoi que ce soit ?

Mon cerveaux est paralysé, ma tête tourne, je n'arrive à penser à rien sauf à freiner les spasmes qui menacent de secouer tout mon corps, tellement l'angoisse imprègne chaque port de mon être. J'aimerais répondre quelque chose, une phrase, un mot mais rien de franchit mes lèvres. La peur me contrôle entièrement. Mais qu'est ce qu'il m'arrive ? Je suis suspendue aux lèvres de ma mère. Ma mère semble me laisser le temps de me préparer à la suite.

 « Je sais que tu as peur ma chérie et que tu t'inquiètes mais j'espère que tu nous comprendras. On aurait voulu que tout ça se passe autrement mais nous n'avons pas eut le temps de nous y préparer. Tout c'est passé si vite... Ce matin nous avons reçu un appel de l'hôpital. Nous avons été convoqué sans en connaitre le motif. Après avoir déposé Samir au lycée, je me suis assurée que tu étais bien au lycée après notre dispute de ce matin. Je t'ai vu dans la cour avec Selma et Mélina alors je suis rentrée à la maison. Votre père était parti justifier mes absences au travail. Quand je suis rentrée nous sommes partis pour l'hôpital ».

La pause de ma mère dans son récit m'annonce que le plus dur est à venir. Elle regarde mon père qui se racle la gorge et il reprends:

« L'hôpital voulait nous parler de quelque chose à propos de ta naissance il y a maintenant 16 années ».

Les paroles de mon père sont semblables à un coup de couteau. Mon sang se glace. Je resserre la main de Samir pour trouver quelque chose de rassurant. C'est le seul moyen pour moi de trouver une bouée face à cette tempête de doutes que je dois braver. J'ai l'impression d'être dans un mauvais film sur les secrets de famille ! Les pleurs de ma mère attirent mon regard. Comment m'accrocher quand tout ce qui m'entoure s'écroule et que je suis spectatrice de cet horrible désastre ?

Je me sens si impuissante face à la peine que mes deux parents ressentent. Je ne comprends pas ce qui se passe et je ne sais pas comment réagir. Mon père prends la main de maman dans la sienne et reporte son attention sur moi. Ce geste de tendresse pour ma mère trahit sa peur. Il veut avoir le courage de deux personnes. Le temps s'arrête. Je veux qu'on me dise ce qu'il se passe !

Après une grande inspiration il me déballe tout:

« Nesma, nous ne sommes pas tes parents biologiques. Ta mère n'a pas eu la chance de te mettre au monde. Nous t'avons adopté à la clinique quelques heures après ta naissance ».

Tous les yeux se posent sur moi. Plus rien n'existe et je n'entends plus rien. La main réconfortante que je tenais jusque là vient de me lâcher. La dernière bouée de ma tempête s'envole, me laissant me noyer dans le silence le plus total. Tout m'échappe et tous me regardent dépérir.

Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible !

Tout ce que je pensais savoir n'était pas vrai ? Ceux que j'aime me regardaient vivre en me cachant la vérité depuis toutes ces années ? Toutes les remarques sur la différence physique entre Sam et moi me reviennent violemment en pleine face. Elles n'étaient pas infondées finalement.

Ils m'ont laissé vivre dans un rôle d'imposteur tout au long de ma vie. Le nom que je connais, que j'ai utilisé ne m'est pas destiné ? Chaque jour ils me regardaient en gardant un tel secret. Ils savaient et ils ne m'ont jamais rien dit ! Ma mère également bouleversée, les joues remplit de larmes, s'approche de moi et me prend dans ses bras.

Comme une poupée de chiffon, je me laisse faire le regard vide. Le visage plongé dans son cou, je sens son parfum. Le parfum rassurant de la femme qui m'a donné son amour tout au long de ma vie. Le parfum de MA mère. Elle parle mais je ne saisi aucuns mots, je suis déconnectée de la réalité. Je remarque que des larmes salées coulent sur mes joues. Ma mère se recule et prends mon visage dans ses mains:

« Nesma ne pleures pas ma chérie, tu n'as rien à te reprocher. Tu es notre fille au même titre que ton frère. Nous sommes une famille et nous le serons toujours ! Tu entends bien ça ma puce? Nous t'aimons plus que tout, peu importe les circonstances de ta naissance. Cela ne change rien pour nous ! »