1 - Une date au calendrier

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" Papa ?

- Oui mon loup ?

- Zai vu sur le calendrier Pat' Patrouille y a un an papa il est parti. Il revient quand ? À mon anniversaire il sera là ? Tu crois il m'a oublié ? "

          La voix triste de son enfant lui serra le cœur. Pierre sortit la tête du placard où il avait enfin trouvé le gilet qu'il cherchait pour son fils, et tourna la tête vers le calendrier posé sur la table de nuit. Il reconnu l'écriture hésitante de son fils, sur la date d'aujourd'hui un "1 an, Papa ?" était difficilement déchiffrable et Pierre était persuadé que si son cœur n'était pas déjà brisé, il l'aurait été à cet instant. Il prit sur lui, réflexe de parent, et reporta son attention sur son fils en lui mettant sur gilet. Puis il s'agenouilla face à lui, lui prenant délicatement les mains.

" Mon loup, je ne peux pas t'assurer qu'il sera là à ton anniversaire, mais je suis sûr et certain qu'il fait tout pour pouvoir revenir et être auprès de toi il ne t'a pas oublié je te le garantie, lui assura-t-il avec un sourire qui se voulait réconfortant.

- Mais comment tu peux être sûr, tu l'as vu toi Papa ?

- Non je ne l'ai pas vu depuis aussi longtemps que toi mon chéri, mais je suis sûr qu'il reviendra dès qu'il pourra parce qu'il t'aime de tout son cœur. Il nous aime plus que tout au monde, ajouta Pierre en essayant de masquer le plus possible son émotion dans sa voix.

- Il aurait pas dû partir alors ! Protesta l'enfant, rendu bougon par la tristesse et l'incompréhension.

- Milo, je t'ai expliqué, il est parti trouver une solution à des problèmes d'adultes. Mais il le fait parce que comme ça, dès qu'il aura réglé ces problèmes là, on pourra rester tous les trois ensemble toute la vie sans plus jamais être dérangés. Tu comprends ?"

         Milo hocha la tête doucement, toujours un peu triste avant que son père ne se relève avec un peu plus d'entrain, et ne déclare que s'ils ne se dépêchaient pas ils seraient en retard à l'école. Pierre était toujours réputé pour être constamment en retard, c'était un fait que personne ne pouvait contester, même pas lui même. Mais lorsqu'il s'agissait de son fils, il arrivait par une magie incompréhensible à ne jamais le mettre en retard.

         Devant l'école, Pierre eut du mal à le lâcher, cela le déchirait de le laisser en sachant qu'il était triste. Il prit à part la maîtresse, et la prévint qu'il ne faudrait pas trop en demander à son fils aujourd'hui. Puis il quitta l'école et son fils, le cœur lourd et privilégia un retour à pied. Il marchait, le regard dans le vide. Il ne s'était absolument pas attendu ce matin en se levant à ce que son fils lui parle de ça. En réalité, ce n'était même pas aujourd'hui que ça faisait un an qu'il était parti, c'était il y a 3 jours. Son fils ne s'était pas rendu compte que le fait qu'il soit gardé par Fred toute la journée du dimanche n'était pas anodin. Pierre savait que son fils adorait Fred et réciproquement, et il savait aussi pertinemment qu'il n'aurait pas réussi à garder son masque de parent face à Milo alors que cela faisait un an que son homme et que le père de son fils était parti. Il avait passé une journée horrible, ce n'était qu'une date, mais ça lui avait aussi permis de se lâcher sur ses ressentis. En tant que youtubeur, en tant que chef d'entreprise, en tant que parent, il ne se gardait aucun moment depuis un an pour trop y penser et se laisser abattre. Chaque jour il se levait avec un cœur éteint. Chaque jour s'occuper de son fils lui apportait le bonheur qu'il ne pouvait avoir de la part de son amant absent. Chaque jour il travaillait pour s'occuper les pensées. Chaque jour il faisait semblant devant la caméra que son meilleur collègue faisait une pause mais qu'il allait revenir bientôt. Chaque soir il s'endormait grâce à des somnifères méticuleusement dosés par sa psychiatre. Mais il comptait chaque jour qui s'ajoutait au temps si long où Benjamin n'était pas près de lui et de leur fils mais loin d'eux à régler ses sombres problèmes familiaux.

         Et dimanche Pierre avait pu souffler, il avait relâché tout ce qu'il gardait pour lui à chaque instant. C'était si dur de faire comme si tout allait bien, d'être seul, de ne pas savoir ce qui arrivait à sa moitié, d'assurer à son fils que son père reviendrait alors qu'il n'en savait plus rien. Et que son fils ait presque retenu la date exacte l'avait encore bouleversé aujourd'hui. Il pensait à Ben, se disait que s'il savait que Milo pensait à lui ainsi, il en aurait été ému aussi. C'était triste mais c'était en même temps important pour Pierre que Milo n'oublie pas son deuxième père. C'était peut-être égoïste parce que si Milo se mettait à ne plus trop y penser, il serait moins triste. Mais Benjamin faisait partie de la famille même s'il n'était plus là depuis un an, il restait tout autant son père que Pierre, et Pierre s'interdisait de penser que Benjamin ne reviendrait pas. Il avait seulement une question en tête chaque jour, comme son fils lui avait demandé le matin même : 

"Il revient quand?"

VERRECROCE - Il revient quand?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant