VERRECROCE - Il revient quand?

10- Avant l'action

" J'ai hâte de passer à l'action avec toi Théo, je sens qu'on peut s'amuser! lança Rémi en lui tendant un gressin que Benjamin attrapa, avant de s'adosser de nouveau contre le mur de la toute petite pièce que Théo avait trouvé et qui leur servait de cachette pour la journée.

- T'es jamais stressé avant ce genre de choses? C'est pas contre toi, au contraire je suis content que tu sois là, mais je comprends pas comment tu peux avoir hâte de ce genre de choses! répondit Benjamin avec un rire gêné.

- Je sais pas, j'aimais pas au début, je redoutais comme toi. Mais quand ça devient ton quotidien au bout d'un moment, je suppose que tu t'habitues forcément à ça. Et puis je préfère ça plutôt que d'être dans l'attente d'agir, ou de fuir, et de ne faire que se cacher. Ça fait combien temps que tu te renseignes et que tu les évites? Plus qu'un an nan? Moi c'est ça que je supporte pas, j'ai besoin d'agir pour ne pas avoir l'impression de ne rien faire et de seulement perdre mon temps." 

         Benjamin soupira, lui aussi il avait eu l'impression de perdre son temps, enfin surtout de mal utiliser le temps si long qu'il passait loin de sa famille.

" Moi aussi ça m'ennuie, mais je préfèrerai rien dans ce cas là...

- Tu es un peu exigeant alors, rigola Rémi avant d'ouvrir sa salade de pâtes en conserve. Être réduit à manger ce genre de plat en Italie, c'est ça qui devrait t'embêter!

- M'en parle pas c'est une honte ! C'est une passion normalement la nourriture et la cuisine pour moi, évidemment que ça m'embête!"

         Rémi ouvrit de grands yeux en le dévisageant, arrêtant le chemin de sa cuillère vers sa bouche.

" Me regarde pas comme ça, c'est vrai!

- Le prends pas mal, mais je t'imaginais vraiment pas intéressé par ce genre de choses!

- Tu m'imaginais comment alors? s'intéressa Benjamin, curieux de savoir l'image qu'il pouvait renvoyer alors qu'ils évitaient l'un comme l'autre de parler de leur vie et de trop se confier.

- Je sais pas moi, je te vois derrière un ordi, à taper des codes compliqués sans jamais sortir et s'amuser, un intello un peu coincé? " tenta Rémi, le sourire aux lèvres alors qu'il voyait que Benjamin n'était absolument pas vexé.

         Au contraire d'ailleurs, celui-ci éclata de rire, en posant sa main sur sa bouche pour étouffer le bruit. Lui, derrière un ordinateur? Lui ne jamais sortir? Lui privilégier un boulot dans un bureau plutôt que de s'amuser? Il voyait déjà Pierre mort de rire, la bouche grande ouverte sans aucun son qui n'en sort, alors que Benjamin lui racontait que Rémi l'avait jugé ainsi. Il le voyait déjà se moquer de son incompétence dès qu'il s'agissait d'informatique, et le vanner sur son absence au boulot.

" Tu vois, je sais pas ce que j'ai dit de drôle mais je t'avais jamais entendu rire comme ça moi!"

         Et Rémi se mit également à rigoler, emporté par le rire si commutatif de son coéquipier. Tout le stress et l'originalité de leur situation se ressentaient également dans leur hilarité, ils craquaient, et se regardaient entre deux rires, conscients de l'absurdité du moment. Rémi reprit la parole après s'être calmé :

" Il est vachement cool d'ailleurs ton rire, je l'adore! Faudrait l'enregistrer pour l'écouter dès que le moral en a besoin j'suis sûr que ce serait efficace!"

         Si seulement il savait pensa Benjamin, à qui on avait de nombreuses fois flatté son rire, il avait d'ailleurs mis du temps à comprendre cet engouement autour de son simple rire. Mais il avait fini par l'accepter quand il avait vu que cela faisait encore plus plaisir à ses interlocuteurs, et spécialement à Pierre qui passait sa vie à tout faire pour lui arracher un rire et l'entendre retentir grâce à lui.

" J'suis loin de la réalité c'est ça? demanda finalement Rémi en retournant attaquer son plat.

- Si tu savais à quel point!" confirma Ben le sourire encore dans la voix.

         Ils mangèrent un peu en silence, dans cette ambiance plutôt chaleureuse, avant que Rémi ne reprenne la parole avec son sérieux retrouvé :

" Tu sais que c'est un avantage ça?

- De quoi?

- Qu'on ne puisse pas lire sur toi, sur ta vie, sur ce que tu fais, ce que tu penses, tout. T'as l'air de bien gérer tes sentiments et ce que tu renvoies aux autres. Si tu veux un conseil, oublie pas que t'as cette capacité là d'être impassible, ça peut servir...

- Je suppose que je le prends bien alors, merci je tâcherai de m'en souvenir.

- Bon, il va pas falloir qu'on tarde," lança finalement Rémi en rangeant le peu d'affaires qu'il avait dans son sac.

         Benjamin se dirigea vers la petite fenêtre de la pièce, et regarda le ciel. Ils avaient décidé d'agir cette nuit, parce qu'ils avaient appris que le gang avait une grosse mission ce soir et qu'ils seraient donc bien moins nombreux dans leur repère, une chance pour eux. Alors Benjamin et Rémi avaient dormi ce matin, ils venaient de manger, et il leur fallait maintenant prendre la route pour arriver dans la nuit là-bas. Benjamin soupira, le problème de tout ça, c'est qu'il faisait jour, le ciel était tout gris, et il n'avait aucune chance de voir ses deux étoiles avant de partir et de se lancer dans ce qui allait être le plus dangereux moment depuis qu'il était parti. Il pensa quand même fortement à eux, fermant les yeux, et touchant discrètement de sa main gauche ses deux bracelets. Puis il se tourna vers Rémi, lui annonçant qu'il était prêt. Rémi s'apprêtait à ouvrir la porte, quand il se retourna pour le regarder :

" Tu as des gens qui t'attendent chez toi? demanda-t-il, le regard un peu triste.

- Ça dépend de quel genre de gens tu parles, répondit Benjamin, méfiant, il était hors de question qu'il avoue l'existence de ceux qu'il protégeait contre tout.

- Depuis que je te connais, j'ai toujours pensé que t'étais solitaire et sans attache, c'est vraiment l'impression que tu donnes. Jusqu'à ce moment aujourd'hui. Mais ne t'inquiète pas, je vais oublier que j'ai appris ça, je poserai pas plus de questions. Continue à ne montrer à personne que ces gens existent, qui que ces gens soient pour toi. Moi, j'ai pas de chez moi, j'ai pas non plus de gens qui m'attendent, j'essaye d'imaginer ce que ça doit être... Je ferai tout pour que tu puisses les retrouver Théo, ça va bien se passer je te le promets d'accord? T'as vraiment l'air d'être quelqu'un de bien, ça m'étonne pas que tu puisses manquer à des gens. On va la faire comme des chefs cette mission!"

         Benjamin lui serra l'épaule, ému, et le remercia d'un signe de tête, avant qu'ils ne quittent la pièce.