2- Deux étoiles

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         Benjamin fixait le ciel, pensif. Il avait pris cette habitude, de regarder le ciel la nuit, et de repérer deux étoiles. Il avait même des critères maintenant pour les choisir, il avait eu le temps de bien y réfléchir. Le plus important, c'était de trouver deux étoiles proches l'une de l'autre. Ensuite, il fallait que l'une d'elles paraisse plus grande, plus forte, plus lumineuse. Il ne fallait pas choisir une étoile répertoriée et connue de tous, comme l'étoile polaire, mais tout de même une étoile qui restait bien démarquée dans le ciel rempli de lumières. Une étoile qu'il devait trouver belle. C'était très subjectif, beaucoup lui auraient rétorqué que toutes les étoiles étaient identiques. Mais pas pour Benjamin. Il avait appris à leur trouver des particularités, afin de trouver la plus belle du ciel, celle qu'il aimait le plus. Et juste à côté de celle-là, il en fallait une plus petite, plus discrète, un peu moins lumineuse, mais tout aussi belle. 

         Chaque nuit qu'il passait dehors, et ces nuits là étaient nombreuses ces derniers temps, il aimait les passer à rechercher le binôme d'étoiles qui lui ferait penser à eux puisqu'il n'arrivait de toute façon pas à dormir. Non pas qu'il avait besoin de ça pour penser à eux, mais en faisant cela, il avait l'impression de les voir, l'impression qu'il pouvait leur parler même s'il savait pertinemment que c'était faux. Le plus important c'est qu'il avait l'impression d'être proche d'eux. Ils lui manquaient tellement, c'était horrible à vivre, son cœur était froid de sa solitude. C'était vrai qu'il avait toujours été quelqu'un qui aimait être seul mais seulement parce qu'il aimait être libre. Sauf que c'était ainsi jusqu'à ce qu'il rencontre un homme qui avait changé sa vie, et avec qui il avait voulu fonder une famille tellement il l'aimait. Et depuis un an, il était parti pour tenter d'offrir cette liberté à sa famille. Il fallait qu'il règle ses problèmes familiaux s'il voulait pouvoir vivre aux côtés de son homme et de son fils sans craindre chaque jour que les personnes qu'il aimait le plus au monde soient en danger à cause de lui et de son nom.

         Benjamin se redressa contre le mur, et remonta ses genoux contre son torse, frottant ses épaules pour tenter de se réchauffer un peu, puis il reporta son attention sur les étoiles qu'il avait désigné cette nuit comme étant son Pierre et son Milo. En fixant ses deux étoiles, il essayait aussi chaque nuit de se rappeler des trais de leurs beaux visages, de leurs sourires quand il ramenait des burgers de la cuisine, de leurs voix énergiques quand ils s'affrontaient en combat de bille, de leurs rires quand ils lui demandaient de refaire le clown Benjos, de leurs yeux innocents quand il leur demandait qui avait oublié d'éteindre la lumière de la salle de bain. Benjamin avait peur chaque jour d'oublier tout cela, d'oublier leur cocon familial qu'il aimait tant et qu'il avait tant envie de retrouver. Il souffrait de ne plus vivre ça, mais il souffrait encore plus de ne pas voir chaque jour son fils grandir. Il s'en voulait déjà énormément de ne pas être auprès de Pierre pour éduquer leur fils, il s'en voulait de ne pas être là pour lui et Milo. Au fond de lui, il était aussi terrifié à l'idée que les deux hommes de sa vie l'oublient. C'était peut-être égoïste d'espérer qu'ils pensaient encore à lui alors que ça devait les rendre triste, mais Benjamin ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'ils attendaient son retour autant qu'il l'attendait lui-même. Il avait tellement peur de réussir, de rentrer tout joyeux, enfin libéré, et d'être devenu un inconnu aux yeux de son amant et de son fils, d'être la personne de retour qui vient perturber le nouvel équilibre atteint par sa petit famille depuis que lui-même l'avait quittée. Imaginer la porte de chez lui s'ouvrir sur une brune avec Milo dans ses bras, qui lancerait un "chéri il y a quelqu'un pour toi" à un Pierre dans le salon, ça le terrorisait. Mais l'étoile là haut le rassurait, elle semblait être là pour lui rappeler qu'entre Pierre et lui, il existait un lien imbrisable, que Pierre l'aimait autant que lui ne l'aimait, et il espérait au fond de lui que ni Pierre ni Milo ne lui en voudraient d'être parti, sa raison était quand même assez légitime. Et Benjamin se força à penser au jour où il pourrait vivre normalement avec sa famille, sans plus aucune crainte parce qu'il aurait réussi à les débarrasser des menaces planant sur son nom. Il fallait qu'il protège sa famille. Ce n'était que cette pensée qui l'animait chaque jour, pour tenir et continuer sa difficile mission afin d'espérer un jour de rentrer, sain et sauf. 

         Enfin, rentrer sain et sauf, il avait de plus en plus conscience que c'était très idyllique. Au début c'était ce qu'il se disait, mais cela faisait à peu près un an maintenant, voire plus, voire moins, il n'avait plus la notion des jours, il n'avait aucune idée de la date actuelle. Toutes ses journées paraissent longues, pesantes, infinies. Et il n'était encore qu'à la partie la plus simple de son misérablement plan pour réussir. Il n'avait d'ailleurs aucune compétence pour se sortir d'une histoire pareille et doutait de plus en plus chaque jour de la finalité, mais ce n'était plus ce qui lui importait le plus. Parce qu'après autant de temps, il avait compris que ce qui comptait c'était de régler cette histoire pour que Pierre et Milo soient hors de danger, et cela à n'importe quel prix, qu'il puisse revenir auprès d'eux ou non.

VERRECROCE - Il revient quand?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant