13- Le malaise

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         Pierre tenta d'ouvrir les yeux, mais ses paupières étaient trop lourdes. Il essaya de rassembler ses pensées, mais elles étaient désordonnées, il ne se souvenait même pas d'où il était, de quel jour il s'agissait ni même de ce qu'il faisait avant de se retrouver dans cet état. Ses sourcils se froncèrent alors que ses yeux restaient fermés. Il sentait bien qu'il était allongé, mais il se sentait lourd, très lourd, il avait l'impression qu'il allait s'enfoncer dans le sol. Aucun de ses membres ne répondait à ses tentatives de mouvement. Il se sentait vraiment lourd, impuissant, fatigué et seul. Son cerveau s'attarda sur cette dernière constatation, seul. Il n'était pas là, depuis plus d'un an il n'était plus là. Et même quand il se retrouvait dans cette situation, sans trop qu'il ne réussisse encore à l'identifier cette situation, mais en tout cas mal en point, même là Benjamin n'était pas auprès de lui. À le rassurer de sa voix familiaire, à le prendre dans ses bras pour le bercer et le calmer, à lui faire des blagues pour lui changer les idées, à lui faire à manger pour le revigorer, à lui caresser les cheveux comme il adorait tant pour l'endormir. Mais non. Benjamin n'était pas là. Parce qu'il l'avait laissé lui et leur fils seuls. Et Pierre était exténué, il le ressentait distinctement, cela prenait chaque partie de son corps, comme s'il n'avait plus aucune énergie pour ne rien faire. Même ouvrir les yeux demandait un effort trop dur, même soupirer il n'y arrivait plus. Il n'en pouvait plus de devoir tenir chaque jour, pour son boulot, pour son fils, pour son copain qui se battait pour eux. Il n'en pouvait plus de cette situation qu'il trouvait si injuste. Et revoir Nico, pensant d'abord que c'était Ben, puis réalisant que le manque que provoquait le départ de Ben était bien plus fort que ce qu'il essayait de se convaincre. Et son corps l'avait lâché. C'était trop. Il avait envie de se laisser aller. Et c'est ce qu'il fit, son esprit sombrant petit à petit pour essayer d'oublier.

         Quand il se réveilla, sans aucune notion du temps qui s'était écoulé, il réussit cette fois-ci à ouvrir les yeux, son regard tombant directement sur le plafond blanc de la pièce. Il ne mit pas longtemps à comprendre, il détestait cette ambiance. Le décor d'un hôpital. Le personnel médical s'enchaina, lui expliquant qu'il avait fait un malaise, lui demandant s'il savait ce qui avait pu provoquer ce relâchement de son corps, le sermonnant sur la question de savoir s'il se reposait assez. Tout ça ennuyait profondément Pierre, il savait tout ça, et il n'y avait pas de solution. Il répondait évasivement aux médecins qui le gardèrent une deuxième journée pour s'assurer de son état stable avant de le laisser ressortir. Les visites avaient été interdites, les médecins voulaient s'assurer que son état n'était pas dû à un de ses proches qui seraient malveillant justement. Ironie de la situation du point de vue de Pierre, son cas était dû à un de ses proches, et si seulement ce proche avait pu venir à son chevet, alors évidemment que tout aurait été réglé !

         A la sortie, il retrouva directement Fred qui s'était énormément inquiété pour lui, encore plus que quotidiennement depuis un an. Et c'est d'ailleurs Fred, avec la complicité de Guillaume, qui le força à prendre des jours de repos, lui-même s'occupant de Milo. Et c'est aussi Fred qui, le surlendemain de son retour chez lui, lui provoqua involontairement une source d'inquiétude supplémentaire. Fred l'avait invité à un repas avec une de ses amies, initialement dans la tentative de lui changer les idées. Sauf que son amie avait beaucoup parlé, expliquant qu'elle croyait aux énergies et à globalement n'importe quel concept flou non prouvé scientifiquement. Selon elle, des âmes pouvaient être connectées, et des personnes pouvaient ressentir ce que ressentait l'autre même à des milliers de kilomètres. Ce qui avait provoqué une nouvelle insomnie chez Pierre, non résolue par ses médicaments cette fois-ci. Il ne pouvait s'empêcher d'y repenser. Et si son malaise avait été en reflet à une sensation éprouvée par Benjamin tout là-bas ? Et si Benjamin était mal au point aussi, et que Pierre le ressentait ? Et si la visite de Nico qui lui avait dit n'avoir aucune nouvelle cachait des nouvelles sombres concernant son Ben ? Et si cette visite avait engendré des conséquences dont il n'avait même pas idée ? Pierre était terrorisé, pour son amant sans qui il constatait chaque jour qu'il ne pouvait pas vivre, et pour Milo et lui, peut être en danger, mais sur des suppositions d'un simple malaise de son corps fatigué. Pierre avait l'impression de délirer, mais ça ne changeait rien, il était terrifié.

VERRECROCE - Il revient quand?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant