5- Abandonné?

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"Oh Pierre Croce! Pierre Croce!" 

         Pierre hésitait, le ton de la personne qui l'avait de toute évidence reconnu dans la rue et qui criait sans aucune gêne ne lui inspirait pas confiance. Et quand il s'agissait de cela, il avait comme un sixième sens. Il opta pour l'excuse des écouteurs, et espéra que la personne serait un minimum respectueuse et le laisserait tranquille. Il était de toute façon pressé, il allait chercher son fils à l'école.

"Hé Pierre Croce, répond tu t'es pris pour qui là ?! J'm'en fous moi t'façon j'préférais Benjamin, t'es naze sans lui j'comprends qu'il t'ait abandonné, lui c'était trop des barres!"

         Pierre entendit les rires gras des sûrement amis de l'homme retentir. Il garda l'allure rapide de sa marche. Il avait eu raison de se méfier. Il augmenta discrètement la musique dans ses écouteurs, et tourna à la première rue même si ce n'était pas son chemin, priant pour que l'homme ne le suive pas, il n'en avait ni la patience ni le courage aujourd'hui. Il attendit bien cinq minutes pour être sûr qu'il était maintenant tranquille et lâcha un soupir. Cela faisait tellement mal d'entendre ce genre de propos, il avait envie de lui crier d'aller se faire foutre et qu'il n'avait aucune idée de pourquoi Benjamin n'était pas là. Sauf qu'il ne pouvait pas. 

         Déjà parce que Benjamin et lui n'avaient jamais révélé leur relation au public, Benjamin préférait être discret, pour leur couple et ensuite encore plus pour leur fils. Et Pierre l'avait suivi, depuis plusieurs années déjà il avait arrêté de partager toute sa vie privée et était d'accord avec son brun. Et il savait aussi qu'il ne devait en aucun cas expliquer à qui que ce soit pourquoi Benjamin n'était plus là. Benjamin lui avait fait promettre le jour de son départ, de n'en parler ni aux abonnés, ni à ses amis, que ce soit même Guillaume ou Fred, ni à Milo. Benjamin avait même beaucoup hésité à en parler à Pierre, il avait eu peur de trop lui en dire et que cela lui retombe dessus d'une manière ou une autre. Mais il avait finalement tout dit à Pierre parce qu'il n'avait pas pu se résoudre de partir qu'avec une simple "raison familiale". Pierre se souvenait parfaitement qu'il avait eu peur quand Benjamin lui avait dit qu'il devait se confier à lui d'une histoire délicate. Il s'était imaginé énormément de choses les unes plus folles que les autres. Mais à aucun moment il n'avait pensé à cela, et à aucun moment il n'avait imaginé toutes les conséquences que cette histoire avait. Il avait mis plusieurs jours à l'assimiler, ils en avaient énormément discuté avec Ben parce que son brun était très préoccupé par le fait que Pierre comprenne que ce n'était pas un abandon de sa part mais une obligation pour les protéger. C'était évidement très dur à admettre pour Pierre, que Benjamin devait partir alors qu'ils s'aimaient, qu'ils formaient une famille avec Milo, parce qu'il devait les protéger d'une menace que Pierre ne connaissait absolument pas deux jours avant. Et qu'un abonné lui balance à la gueule que Benjamin l'avait abandonné parce qu'il était une merde, ça touchait bien plus Pierre qu'il ne l'aurait voulu. Rajouté à son cauchemar d'avant-hier, cela commençait à faire beaucoup en peu de temps.

         Et il n'avait personne à qui en parler. C'était une promesse, ni en parler à ses amis, ni à sa famille, ni à une psychologue ni à un journal intime. Benjamin avait été impératif, aucune trace quelles que soient les précautions que Pierre pensait suffisantes s'il voulait en parler. Cela avait d'ailleurs déstabilisé la psychiatre de Pierre quand il était arrivé la première fois, sentant qu'il n'arriverait jamais à tenir sans une aide professionnel avec toutes ses insomnies et ses crises d'angoisse. Dès le début, il lui avait dit que son homme était parti pour régler une affaire et qu'il n'en dirait jamais plus, il avait insisté pour qu'elle lui assure qu'elle ne posera pas plus de questions là dessus. Et après avoir son accord, il lui avait expliqué qu'il venait rechercher auprès d'elle un soutien, une aide pour gérer ses nouvelles émotions, ses crises, ses insomnies, et pour ne pas devenir fou de désespoir alors qu'il avait un fils à élever. Pierre avait d'ailleurs eu peur de paraître être un fou aux yeux de la psychiatre, il avait été terrifié à l'idée qu'elle ne veuille le placer quelque part, loin de Milo. C'est pour ça qu'il avait attendu trois mois avant d'y aller. Mais Fred et Guillaume, en voyant son état sans pouvoir faire plus de chose que d'être là pour lui, l'avait poussé à enfin y aller, lui assurant que si le pire se produisait, ils seraient tous les deux là pour Milo. Finalement, la psychiatre n'avait rien fait de tout ça, et après la surprise passée, elle avait assuré son métier comme une vraie professionnelle, et Pierre s'était senti un peu mieux. Alors il pensa à sa psychiatre, aux exercices qu'elle lui avait appris pour chasser ses idées noires, et ses crises de dépression, et il les mis en pratique, pour oublier les propos de l'homme et pour se concentrer sur la joie de retrouver son fils.

VERRECROCE - Il revient quand?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant