14- Pietro

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         Benjamin se réveilla, mettant du temps à émerger. Il était allongé sur un lit dans une pièce blanche, encore, et il se souvint instantanément de ce qui s'était passé. Il regarda autour de lui, il était seul, aucune trace de Rémi, il n'avait aucune affaire, ni son sac, ni même sa veste, et à part le lit, la pièce était vide. Il resta allongé, essayant de tirer un bilan sur sa situation et de ce qu'il pouvait espérer faire pour s'en sortir. Il détestait la pièce dans laquelle il se trouvait, encore une fois sans aucune porte visible. Mais il se doutait bien que s'il en sortait un jour ça allait très probablement être pire dehors.
         C'est d'ailleurs ce qu'il put constater quand près d'une heure après son réveil des hommes vinrent le chercher, lui criant en italien de se lever et de les suivre. Benjamin avait beau être conciliant, les suivant sans broncher, ils l'attrapèrent violemment par les épaules et le poussèrent devant eux. Benjamin se fit intérieurement l'ironique réflexion que c'était une étrange façon d'accueillir un membre de la famille. Il fut emmené dans une salle, blanche encore une fois, avec deux chaises blanches aussi, qui se faisaient face. Benjamin n'en pouvait clairement plus de ce blanc partout, au moins les hommes de mains étaient en noir. Il fut poussé et forcé à s'asseoir sur l'une des chaises, puis il vit les hommes baraqués et évidemment armés qui l'avaient conduit ici qu'ils se postèrent dans les coins de la pièce. Il attendit encore un peu de temps, avant qu'une porte camouflée ne s'ouvre, laissant entrer un homme. Benjamin désespéra immédiatement de le voir habiller dans un costume sûrement très cher, mais blanc. L'homme esquissa un grand sourire en le voyant, que Benjamin ne lui rendit pas. Il s'approcha de lui et le salua d'une voix très enjouée, trop d'ailleurs si Benjamin avait pu donné son avis :

"Benji ! Je suis très content de te rencontrer enfin mon neveu! Attends que je me présente quand même, ici on m'appelle Pietro! Et je suis presque ton oncle, le fils du frère de ton grand-père!"

         Il parlait avec un accent italien très prononcé mais Benjamin n'eut pas beaucoup de mal à comprendre, et cela sonnait très surjoué à son goût. Pietro s'approcha de lui et le prit dans ses bras. Benjamin n'esquissa pas un seul mouvement, hors de question de lui rendre son étreinte, mais il avait aussi peur des conséquences si jamais il se débattait.

"Enfin la famille réunie, si ça c'est pas une bonne nouvelle! Souris un peu mon Benji, on va faire des merveilles tous ensemble! "

         Benjamin se tendit, déjà qu'il détestait qu'il l'appelle ainsi, mais l'ajout du pronom possessif l'énervait encore plus. Il restait impassible, n'arrivant pas encore à savoir quelle attitude il devait adopter pour éviter le pire.

"Moi je n'en veux pas à ta famille, tout ce qui compte c'est que toi tu sois là! Par contre je suis embêté mon cher neveu, si ça ne tenait qu'à moi, on serait déjà en train de planifier la prochaine opération, je ne sais même pas encore si tu préfères être dans la stratégie et l'organisation ou dans l'action! "

         Il parlait avec une voix sincèrement enjouée, et cela terrifiait autant que cela dégoutait Benjamin de réaliser à quel point il avait vraiment l'air passionné par tout ça.

"Mais d'abord, il faut que je te pose des questions ! ajouta Pietro avec une voix soudainement plus grave, presque grondante, tout en s'asseyant, le fixant. J'ai besoin de savoir ce que tu sais."

         Rien pensa Benjamin, déterminé à ne rien dévoiler, il ne devait en aucun cas aggraver la situation, ou du moins celle de ses proches à l'extérieur, libres.

"Tu sais quoi de Tullio?"

        Benjamin réfléchit, le visage toujours fermé. Ce prénom ne lui disait absolument rien. Son absence de réponse et de réaction ne sembla pas plaire à son vis-à-vis qui répéta sa question en montant le ton, les sourcils froncés. Et Benjamin pensa soudainement qu'il s'agissait peut-être du vrai prénom de Rémi, ou d'en tout cas la façon dont eux le désignait. Mais si c'était bien de lui dont il lui parlait, que devait-il admettre savoir? Avait-il déjà interrogé Rémi? Rémi l'avait-il balancé? Leur avait-il parlé des proches que Benjamin avait admis vouloir retrouver? Cette idée revenait constamment dans l'esprit de Benjamin, c'était la seule chose qui l'importait et il avait l'impression que tout tournait autour de sa famille à Paris. Mais il se blâma intérieurement, il ne devait pas penser à ça, le gang qui le détenait actuellement ne savait pas qu'ils existaient, il devait ne pas y penser non plus et considérer qu'ils n'existaient pas pour ne pas se dévoiler. Pietro se redressa sur sa chaise, attirant son attention, il posa ses coudes sur ses genoux, jointant ses mains contre son menton.

"Tu sais Benji, j'ai des millions de façon de te faire parler, mais je trouverai ça regrettable de faire ça entre membres de la même famille, tu ne penses pas? Sois sûr que le sang que nous partageons ne m'empêchera cependant pas à faire du mal, parce que j'adore ça moi, j'en raffole. Donc réponds ou je m'amuse.

- Je ne connais pas de Tullio, je cherchais mais ça ne me dit rien."

         La surprise passa sur le visage en face de lui, Pietro sembla réfléchir. Benjamin se fit immédiatement la réflexion que lui était au contraire très lisible, et il scrutait son visage, essayant de savoir s'il allait s'énerver alors qu'il était sincère.

"Je vais faire comme si tu ne me prenais pas pour un con et que t'avais vraiment pas compris de qui je parlais. Tullio, c'est le vrai prénom du gars avec qui on t'a retrouvé dans mon bureau. T'es d'accord que tu n'étais pas seul? "

         Benjamin cette fois-ci hocha simplement la tête. Sa déduction était donc juste, mais il n'avait pas la réponse à toutes les questions d'après, qu'avait pu dire Rémi alias Tullio sur lui?

"Donc? Tullio? Tu l'as rencontré où?

- Je ne le connais pas bien, je l'avais vu qu'une fois avant maintenant"

         Premier mensonge, constata Ben dans sa tête avant de continuer. Il parlait volontairement avec un italien hésitant, lui laissant le temps de réfléchir au moindre de ses mots, avec une excuse de la langue pour son interlocuteur qui le savait habitant en France.

" Il m'a aidé à trouver l'adresse d'abord, et à rentrer après."

         Pietro n'avait pas l'air complètement satisfait de ses réponses. Il le mettait dans une situation compliqué, ce que Benjamin disait ne paraissait pas faux, mais c'était surtout trop pauvre et insuffisant pour lui. Et Ben voyait sur son visage qu'il ne savait pas quoi penser, essayant de savoir s'il pouvait croire en son honnêteté.

"Il t'a dit quoi sur lui? "

          Benjamin réfléchit vite, il devait faire croire à Pietro qu'il ne cherchait pas à lui mentir, tout en évitant de trop se mouiller ou de trahir Rémi. Peut-être que Rémi l'avait trahi, il n'en avait aucune idée, mais il préférait croire que ce n'était pas le cas, et agir en conséquence. Il voulait croire en la sincérité de Rémi qui s'était même battu quand les hommes étaient rentrés dans le bureau, peut-être pour lui laisser le temps de détruire ce qu'il voulait.

"Il ne m'avait rien dit. Mais quand j'ai vu qu'il connaissait les couloirs j'avais moins confiance et il m'a dit qu'il avait vécu ici avec vous."

         Pietro hocha la tête, il avait l'air satisfait. Il lui posa d'autres questions, Benjamin répondant toujours évasivement et en lui faisait toujours croire qu'il avait du mal à s'exprimer en italien. Puis Pietro se leva, mettant fin à leur étrange entretien.

"On se revoit bientôt pour organiser enfin notre magnifique collaboration mon Benji!" lança-t-il seulement, de nouveau avec sa voix enjouée, avant de sortir de la pièce sans attendre une quelconque réponse de Benjamin.

         L'ironie dans laquelle Pietro était, à assurer qu'ils allaient collaborer, à faire comme si Benjamin était ici parce qu'il avait choisi de les rejoindre, et non parce qu'il le retenait prisonnier, cette ironie effrayait Benjamin, ne sachant pas à quoi il devait s'attendre pour la suite. Comment allait-il réagir quand Benjamin montrera expressément qu'il ne participerait jamais à ce genre d'activités?

VERRECROCE - Il revient quand?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant