VERRECROCE - Il revient quand?

20- Devenir un allié

         Il semblait à Benjamin qu'il n'avait jamais été aussi bon acteur qu'à cet instant. Il avait été "soigné" de manière un peu expéditive, il sentait encore tous ses membres douloureux. Il n'avait même pas pu se voir dans un miroir, mais il savait que son état devait être déplorable, il ressentait son visage gonflé, ses boursouflures, et sûrement les multitudes de bleus voire de violets qui devaient peupler son corps vu la souffrance qu'il ressentait à chaque instant. Mais ils lui avaient immobilisé le bras, qui devait bien avoir quelque chose de cassé vu sa forme et son ressenti, et lui avaient donné une béquille pour tenter de se déplacer sans s'écrouler à chaque pas, il manquait cruellement de force et d'énergie. Mais il avait également été interrogé, Pietro l'avait cru, mais d'autres étaient venus s'assurer qu'il avait vraiment au fond de lui envie de se joindre à leurs activités et non de les saboter. Il avait dû réussir à les convaincre parce qu'il se retrouva rapidement dans une pièce encore blanche, avec un grand bureau à son centre, et Pietro devant des plans, en train d'organiser leur prochaine attaque ensemble.

         Quelle ne fut pas la surprise de Pietro quand il lui expliqua le projet et que Benjamin lui suggéra directement une alternative. Il s'agissait d'attaquer un entrepôt abritant d'après leurs informateurs un groupe qui les avait trahis. Benjamin se dégoûtait à proposer de meilleures solutions pour les assaillir, se montrant très inventif quant aux manières d'arriver par surprise et de leur faire payer, et Pietro était plus que ravi de sa participation, ne manquant pas de lui montrer sa joie de le voir aussi investi, ce qui donnait encore plus la nausée à Ben. Mais il n'avait pas le choix, il s'inspirait de Rémi, et voulait leur faire croire qu'il s'était rangé de leur côté pour mieux les détruire par l'intérieur, et peut-être, même s'il n'y croyait plus trop, fuir. Même dans cette situation, il brilla avec sa créativité et son ingéniosité, proposant des choses qui lui paraissaient farfelues et inhumaines, mais qui semblaient énormément plaire à son coéquipier, et c'est tout ce qui comptait pour bluffer.

         Sauf que Benjamin se retrouva piégé quand Pietro lui apprit que l'assaut était pour le soir même, il ne voulait pas y aller, il ne voulait pas participer à ça, il ne voulait pas faire du mal. Il voulait bluffer, mais rester à l'arrière, dans la confection des opérations, pas y prendre part! Malheureusement il comprit rapidement que c'était une sorte de test pour s'assurer de sa nouvelle loyauté. Surtout que vu l'état physique dans lequel il était, il n'allait certainement pas leur servir à grand chose, il était clair que c'était uniquement pour l'amener sur le terrain et voir s'il tenait son rôle de nouveau membre du gang. Benjamin fit un grand effort sur lui-même pour ne pas montrer sur son visage sa répugnance à l'idée de venir, et resta impassible, hochant simplement la tête face aux indications de son nouveau binôme.

         Avant de prendre congé, Pietro s'approcha de lui, le faisant se reculer contre le mur. Benjamin ne comprit pas d'un seul coup l'air menaçant de Pietro qui quelques secondes auparavant n'était que joie de partir en mission avec lui. Mais Pietro le regardait maintenant avec ses yeux intimidants, et beaucoup trop proche de lui, entrant dans son espace vital sans vergogne :

"Je compte sur toi Benji pour assurer ce soir, pour prouver aux chefs que j'ai eu raison de croire en toi."

         Benjamin hocha légèrement la tête, la reculant contre le mur le plus possible alors que Pietro s'approchait encore plus, sa main attrapant son épaule.

"Moi je crois en toi Benji, on va être le meilleur duo du monde" lui assura Pietro avant d'approcher son visage du sien.

         Benjamin sentait le souffle de Pietro s'échouer sur son visage, et il en fut directement répugné. Il pensa fortement dans sa tête "Les détruire de l'intérieur pour sauver Pierre et Milo" en boucle pour se donner du courage et ne pas le repousser violemment loin de lui. Il n'eut de toute façon pas trop le choix, tout se passa très vite, Pietro attrapa de son autre main le seul bras à peu près valide de Benjamin, le plaquant davantage contre le mur, ce qui le fit gémir de douleur. Puis Pietro effleura ses lèvres des siennes avant de s'écarter tout aussi rapidement et d'appeler ses hommes de mains pour qu'ils montrent à Benjamin où il pourrait se reposer un peu d'ici le soir. Benjamin était profondément écœuré, sous le choc, il avait envie de se laver la bouche à la javel pourtant Pietro ne l'avait à peine touché. Il pouvait supporter plein de choses, mais pas ça, il appartenait à Pierre, jamais il ne pourrait se laisser faire par Pietro, même pour sauver sa famille il sentait que c'était au-delà de ses limites. Son esprit le tortura pendant toute l'attente qu'il eut, assis sur un lit dans une pièce blanche. Revoir un lit ne lui fit même pas plaisir. Il avait peur d'avoir pris la mauvaise décision de les rejoindre. Initialement l'idée lui avait paru bonne, les faire croire qu'il s'alliait à eux pour mettre à mal leur organisation de l'intérieur et que jamais plus ils ne puissent agir et détruire des vies. Il était de toute façon arrivé au point où la mort ne l'inquiétait plus, il avait seulement envie d'aller au bout, pour que ça vaille le coup d'avoir vécu toutes ces tortures. Mais si pour cela il fallait qu'il participe lui-même à un massacre ou qu'il se fasse toucher par Pietro, c'était hors de question, c'était trop dur pour lui. Il n'en pouvait plus, il voulait sortir, il ne comprenait pas ce qu'il avait fait dans sa vie pour mériter un avenir pareil. Il voulait se réveiller, que Pierre le prenne dans ses bras, le berce en lui disant que tout cela n'était qu'un cauchemar, et qu'il l'embrasse pour oublier le passage furtif des lèvres de Pietro sur les siennes. Sauf qu'il ne dormait pas, et qu'on vint bien frapper à sa porte pour lui dire d'aller se préparer pour le départ. Il regarda une dernière fois son lit et essaya de déconnecter son cerveau, comme s'il pouvait le laisser là pour survivre à cette nuit qui s'annonçait difficile.