15- Subir

177 21 8
                                    

Ça c'était enchaîné comme si c'était normal. Ils étaient revenus voir Benjamin, Pietro lui avait dit qu'il fallait qu'il le teste pour savoir s'il fallait beaucoup le former. Il avait cru le "rassurer" en lui disant que c'était de famille, qu'il avait ça dans le sang. Et Benjamin avait calmement répondu que ça ne l'intéressait pas, qu'il ne ferait pas le test, ni de formation, ni de mission. Pietro avait joué l'étonné, ce qui avait considérablement énervé Benjamin qui avait eu envie de le frapper, mais il s'était retenu, impassible, sans changer d'avis. Pietro avait essayé de lui vanter tout ce qui pouvait être cool d'agir ainsi, illégalement, de se faire craindre et respecter, de pouvoir faire du mal et tuer. Et face au visage toujours fermé de Benjamin qui ne réagissait absolument pas à son engouement, Pietro avait craqué, il s'était énervé, avait ordonné aux gardes de saisir Benjamin qui n'avait toujours pas bougé, assis calmement sur sa chaise. Et le voilà maintenant enchaîné contre un mur, assis par terre, les bras liés par une chaîne, les maintenant dans son dos, chaîne reliée également à ses pieds. Il était allongé, et la position, déjà très désagréable, lui était également humiliante. Il était étalé sur le côté gauche de son corps, le dos frôlant le mur, et surtout les yeux à hauteur des pieds des autres personnes dans la pièce. Pietro lui cria qu'ainsi il aurait le temps de bien réfléchir à ce qu'il voulait faire et le laissa dans cet état, dans une pièce encore et toujours blanche. Benjamin resta dans cette position et dans cette pièce, seul, pendant un jour, voire deux, il n'avait aucune notion du temps.

Le reste était flou dans son esprit, il n'avait pas mangé, il avait mal dormi, il avait mal partout. Mais au bout d'un moment, la porte s'était rouverte, Pietro lui avait demandé s'il venait collaborer. Benjamin avait nettement refusé, et il avait été de nouveau déplacé. Cette fois-ci c'était une bien plus grande pièce, avec des tables et des installations pour lesquelles Benjamin ne voulait même pas savoir à quoi elles pouvaient servir. Il fut attaché debout cette fois-ci, poignets et chevilles liés au mur, en étoile. Et il revit Rémi, qui fut amené juste après lui, et attaché de façon similaire. Les minutes suivantes, ils se demandèrent mutuellement comment ils allaient, les réponses étaient identiques. Ils essayaient de discuter, pour s'occuper, pour se rassurer, pour se soutenir, mais ils étaient prudents dans chacun de leurs mots, conscients qu'ils étaient sûrement sur écoute. Puis, ce que Benjamin pouvait facilement qualifier des pires moments de sa vie jusqu'ici se passèrent. Les hommes de mains, dirigés toujours par Pietro, vinrent s'occuper d'eux. Ils frappèrent d'abord Rémi, lui demandant ce qu'il avait fait depuis qu'il était parti, ce qu'il avait manigancé contre eux, ce qu'il prévoyait de faire. Et Benjamin avait accompagné les cris de douleur de Rémi, le spectacle devant ses yeux le dégoûtait, il tirait sur ses chaînes, comme s'il pouvait les casser et lui venir en aide. Il était aussi terrifié à l'idée que ce soit ensuite son tour. Et ce fut le cas, quand ils laissèrent enfin Rémi tranquille, écroulé par terre, ils se tournèrent vers Benjamin, qui reçut un traitement similaire. Pietro lui posaient des centaines de questions, Benjamin ne comprenait l'intérêt d'aucune d'entre elles, il criait, leur priant d'arrêter, ne comprenant pas ce qu'ils voulaient. Mais il tint, ne répondant à aucune question, que ce soit celles lui demandant son avis sur la lâcheté de son grand-père ou celles lui demandant s'il préférait au lieu de collaborer qu'ils aillent tuer son père et toute sa famille parce qu'il ne collaborait pas. Il avait mal, il n'en pouvait plus, ses cris de douleurs étaient de moins en moins forts, et il vint même au point qu'il n'arrivait plus à traduire ce qu'ils lui disaient. Au bout d'un temps interminable ils le laissèrent étalé par terre sans aucune force pour se relever ni même bouger.

A partir de là, ni Rémi ni Benjamin ne s'adressèrent plus la parole, ils étaient épuisés, ils s'étaient comme transformés en mode automatique de survie, et les tortures s'enchaînèrent. A chacun d'entre elles, Benjamin souffrait tellement qu'il arrivait à déconnecter son esprit de son corps, complètement ailleurs, il s'imaginait une vie heureuse, normale, avec ceux qu'il aimait. Il sentait tout ce que ses ravisseurs faisaient subir à son corps, mais il avait à chaque fois l'impression qu'à partir d'un seuil de douleur trop élevé, il délirait, il partait bien plus loin que cette salle blanche maudite, comme s'il mourrait à chaque fois. Sauf qu'à chaque fois, cela se terminait, on lui donnait de l'eau et du pain, on le forçait à manger pour qu'il ne se laisse pas mourir, et on recommençait un peu plus tard. Mais ce qui était dur pour Benjamin aussi, c'était de devoir subir les cris de Rémi quand c'était son tour, ça lui glaçait le sang, il était toujours vide de forces, recroquevillé sur lui-même, et déchiré de ne pouvoir rien faire pour s'en sortir.

Ils passèrent à un autre stade quand Pietro se rendit compte que tout cela ne le menait à rien. Il avait affaire à deux tombes, qui n'ouvraient la bouche que pour crier leur souffrance, et ça ne lui suffisait plus. Alors il changeait de technique. Benjamin fut accroché à une chaise bien particulière, le dossier formant la forme entière d'un corps. Ajustée à sa taille, la chaise lui bloquait le visage, il ne pouvait pas bouger, et il fut obligé de regarder en face de lui Pietro et ses hommes torturer Rémi, le frappant tant que Benjamin ne coopérait pas. Le cœur de Benjamin se brisa, il avait l'impression qu'il n'avait plus aucune âme à laisser Rémi se faire violenter ainsi de sa faute. Même si Rémi avait tenté de se contenir au début, il lâcha ensuite des cris de douleur qui atteignirent Benjamin au plus profond de lui. Il préférait 100 fois mourir plutôt que le voir subir cela. Mais il ne pouvait pas dénoncer toute sa famille pour Rémi, ou collaborer et aller tuer des innocents pour Rémi, le choix était impossible. Il essayait de se raisonner, se disant que même s'il acceptait de faire partie du gang, Rémi ne serait pas lui hors d'affaire, qu'il serait toujours torturé, et qu'en acceptant Benjamin lui-même devrait faire subir ce genre de pratiques à des prisonniers innocents. Sauf que le cerveau de Benjamin n'arrivait plus à réfléchir, il se détestait juste de ne rien faire, il avait l'impression de ne plus rien valoir, il voulait se tuer. Et l'inverse eut lieu, ils échangèrent leurs positions, Rémi assistant à son tour sans réagir aux nombreuses violences faites sur Benjamin. Puis ils furent finalement laissés, dans un état misérable, sans qu'aucun des deux n'ait parlé, mais les deux étaient brisés, ils ne savaient d'ailleurs plus s'ils pouvaient se considérer comme alliés maintenant, et à vrai dire ça n'importait plus, ils voulaient simplement que tout ça s'arrête, que leurs douleurs et leurs violences disparaissent ou qu'ils meurent, si cela permettait de ne plus subir cela, ça leur allait.

" Quand est-ce que tout cela allait cesser?" pensa Benjamin avait de sombrer dans le sommeil d'épuisement et de douleurs.

VERRECROCE - Il revient quand?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant