4- Un troisième cauchemar pour une nuit

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Son épaule malmenée par un homme qui tentait de le réveiller, Benjamin ouvrit difficilement les yeux. Il dévisagea le visage au dessus de lui, complètement perdu, essayant de trouver dans ses traits une personne familière, sans succès. L'inconnu, qui avait l'air préoccupé, lui parlait un italien rapide et Benjamin dut se bien concentrer pour comprendre :

"Vous allez bien monsieur ? J'fumais en attendant mon train et j'vous ai entendu gémir. Vous aviez l'air d'avoir peur hein sinon je ne me serais pas permis de vous déranger monsieur. Tout va bien ? Vous attendez votre train ? Vous me comprenez ?"

Benjamin hocha doucement la tête, encore dans les vapes, et le remercia avec son italien un peu plus hésitant, tout en lui confirmant qu'il s'agissait bien d'un cauchemar. L'homme eut l'air soulagé de ne pas vivre le plus grand malaise de sa vie, et après s'être une dernière fois assuré que Benjamin n'avait plus besoin de lui, il s'éloigna pour aller terminer sa cigarette. Benjamin quant à lui se redressa, essayant de se remettre de ce qu'il avait vu dans son rêve. Il se mit à marcher, les idées en vrac, le cœur encore battant de l'angoisse provoquée par son rêve.

Il était dans une pièce très sombre, une cave sûrement, ligoté à une chaise, mais ce n'était pas ça l'important. Il y avait deux chaises en face de lui, à 3m seulement, avec son Pierre sur l'une, et son Milo sur l'autre, les deux ligotés aussi, et menacés chacun d'une arme. Il entendait encore Milo lui crier de sa petite voix terrifiée et entrecoupée de larme "Papa! Papa, sors nous de là! T'as dit que tu nous protégerais! Papaaa!". Le cœur de Benjamin en était encore plus brisé. Pierre lui, le regardait fixement et lui souriait. Il ne bougeait pas, même quand l'homme le menaçant appuya le revolver sur sa tempe. Il continuait de sourire, les yeux sur son brun. Benjamin lui, il criait aussi. Lui qui avait normalement une étonnante capacité à rester calme dans des situations extrêmes, celle-là était clairement de trop et il criait à plein poumons qu'il était prêt à tout faire pour qu'ils ne leur fassent pas de mal. Sauf que dans son cauchemar, les ravisseurs n'en avaient rien à faire, ils demandaient inlassablement à Benjamin où c'était caché, et lui affirmaient que s'il ne le disait pas, ils éclateraient le crâne de Pierre et couperaient la gorge de Milo. Sauf que Benjamin n'avait aucune idée de quoi ils parlaient, de quelle cachette et même pas ce qui pouvait y être caché. Il criait, de désespoir, de panique, essayant de se libérer de ses liens qui ouvraient sa peau à force de frotter. Et Pierre le regardait toujours en souriant, sans rien dire, avec un regard rempli d'amour, comme s'il avait confiance en Ben et qu'il savait qu'il les sortirait de là. Sauf que Benjamin n'avait aucune solution, et ne faisait que crier à s'en brûler la gorge. Jusqu'à ce que l'homme à côté de Pierre n'arme son revolver, prêt à tuer. Là, Benjamin revoyait très bien dans son rêve le regard de Pierre qui avait changé, et ses lèvres s'étaient doucement mouvées en un "je t'aime" que Benjamin lut très facilement avant que le tir ne soit lancé. Il avait crié, Milo avait crié, puis il avait été réveillé, avec encore dans son esprit le corps sans vie de Pierre, qui lui avait fait confiance, qui l'avait aimé jusqu'à la fin alors qu'il avait échoué et ne les avait pas protégés.

Les larmes coulaient d'elles-mêmes sur les joues de Benjamin alors qu'il continuait sa marche rapide, l'estomac retourné, cette vision de Pierre dans son cauchemar lui donnant envie de vomir. Depuis plus d'un an, il en avait eu plein des nuits affreuses, mais celle-ci rentrait clairement dans son top 5. Il en tremblait même encore un peu et n'arrivait pas à chasser ces images de son esprit. Il fallait à tout prix qu'il évite que ce genre de situation n'arrive, et cela lui donna tristement de la force, pour continuer son combat. Il avait tant de fois voulu les contacter depuis son départ, pour avoir des nouvelles, pour leur dire qu'il pensait à eux, qu'il les aimait, et qu'il faisait tout pour revenir. Mais ce genre de cauchemar lui rappelait violemment qu'il faisait bien à chaque fois de s'en empêcher, pour éviter que n'importe qui ne remonte vers sa famille. Il regarda finalement sa montre, son train n'allait pas tarder. Il regarda ensuite son autre poignet, sur lequel il portait deux bracelets constamment, un bracelet que Milo lui avait choisit à un marché qu'ils avaient fait tous les trois, et un que Pierre lui avait offert pour leur un an. Il avait l'impression de sentir leurs présences juste sur son bras. Il reprit alors le chemin inverse, déterminé à en finir avec ces histoires et à éviter que son cauchemar ne devienne jamais une réalité.

VERRECROCE - Il revient quand?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant