VERRECROCE - Il revient quand?

7- Penser à lui

         Pierre s'en voulait. Il n'avait pas pensé à lui. Ce n'est pas qu'il l'avait oublié, mais il n'avait pas pensé à Benjamin. Il avait eu une grosse journée, enchaînant réunions et tournages. Et ce n'est que sous la douche, quand des larmes glissèrent d'elles-mêmes sur ses joues qu'il réalisa qu'il n'avait pas pensé à lui. Et il s'en voulait parce qu'en pensant à lui chaque jour, il s'assurait de ne jamais l'oublier mais surtout, il avait l'impression de le soutenir, de l'aider de loin, de lui donner du courage. Il se sentait débile de raisonner ainsi, mais il ne pouvait s'empêcher d'avoir la sensation qu'il était arrivé quelque chose à son Benjamin aujourd'hui parce qu'il ne l'avait pas protégé par sa pensée. C'était totalement idiot, mais c'était impossible pour Pierre de ne pas le ressentir ainsi. Il se souvenait de la promesse qu'il avait faite à Benjamin et il devait la tenir. Benjamin avait protesté d'ailleurs. Pierre se souvenait parfaitement de ce jour où il lui avait tout expliqué.

         C'était un soir banal, ils avaient ensemble couché Milo, puis Benjamin lui avait demandé de venir s'asseoir sur le canapé avec lui. Pierre avait déjà commencé par être surpris, mais il l'avait suivi, il avait senti toute la journée que son amant n'avait pas été dans son état habituel, et Pierre était plutôt soulagé de voir qu'il allait sûrement lui expliquer, il était assez fier de la communication qu'ils avaient dans leur couple. Benjamin avait cherché ses mots quelques instants, et quand Pierre lui avait attrapé la main pour l'inviter à se lancer, il avait commencé à parler.

"Ce que je veux te dire est difficile à avouer Pierrot mais je n'ai pas le choix. Tu sais, je ne te parle pas souvent de ma famille éloignée, parce que je te dis qu'on est embrouillé avec eux depuis longtemps. C'est pas complètement faux, mais je n'en parle surtout pas parce qu'ils trempent dans des histoires pas très nettes. Ce que tu pourrais appeler de la mafia italienne. Mon grand-père et mon père se sont éloignés petit à petit de ça, ils ne voulaient plus de cet avenir pour leurs enfants. Mais le reste de ma famille continue toujours ce genre d'activité. Je n'en parle pas parce que ça craint. Mais aujourd'hui je dois t'en parler parce que mon père a été contacté, il a reçu des menaces. J'ai cru comprendre que "ma famille" même si je déteste les évoquer ainsi parce qu'ils me font honte, ils auraient des problèmes d'organisation, d'effectif voire d'argent. Ils ont retrouvé mon père pour lui demander d'assumer son rôle dans la famille Verrecchia. De revenir dans leur gang. Sauf que mon père commence à être âgé, ils savent que son retour ne servirait pas à relancer leurs activités illégales. Et c'est sûrement parce qu'ils manquent surtout de jeunes générations qu'ils ont demandé à mon père de leur envoyer son fils. "

         Pierre revoyait distinctement Benjamin qui avait commencé à trembler quand il avait continué. Pierre lui, était simplement resté interdit, et il avait écouté, essayant de comprendre sur quoi ces révélations allaient se terminer.

" C'est très clair sur la lettre, ils ont écrit "ton fils Benjamin". On ne sait pas pourquoi ils ont oublié l'existence de mon grand frère, mais tant mieux, il est en sécurité comme ça.

- Mais toi ? Avait finalement demandé Pierre, l'angoisse l'habitant désormais. Benjamin avait longuement soupiré, avant de le regarder solennement dans les yeux.

- Je craignais que ce moment n'arrive un jour. Il va falloir que j'y aille. Pas pour les rejoindre !! S'était empressé de préciser Benjamin, mais pour régler une bonne fois pour toute cette histoire. Pour que plus jamais on ne puisse être associé ou menacé par eux et leurs activités.

- Mais tu vas faire quoi ? S'était étranglé Pierre, en tentant de réaliser petit à petit ce que ça impliquait.

- Je ne suis pas sûr de réussir à démanteler toute leur organisation, à les arrêter ou à les convaincre d'arrêter, mais je dois au moins m'assurer qu'ils ne penseront plus jamais à nous et qu'ils nous laisseront vivre en paix.

- Pourquoi toi ? Avait désespéré Pierre.

- Parce que c'est moi qu'ils citent sur la lettre. Mon père va me conseiller mais il n'a plus les capacités pour aller lui-même là-bas, et mon frère il vaut mieux le laisser dans l'ombre s'ils ne se souviennent pas de son existence. Je pourrais ne rien faire, et les ignorer, mais cela vous mettrait en danger Milo et toi, et ça je ne peux pas me le permettre. Ils viendraient me chercher, nous faire pression, vous faire du mal pour m'atteindre, ils sont capables de tout. Si je veux pouvoir vivre avec vous, librement, sans la peur chaque jour qu'il vous arrive quelque chose parce que vous avez le malheur d'être ma famille et que je n'ai pas pris mes responsabilités, je dois le faire maintenant et partir régler ça. "

         Beaucoup de choses s'en étaient suivies, et c'était bien plus confus dans la tête de Pierre. Il avait pleuré, il avait presque crié, il avait protesté. Il s'était senti impuissant, il en avait voulu à Benjamin en même temps qu'il avait voulu y aller à sa place. Il avait finalement compris, mais son coeur avait commencé à réaliser que Benjamin partirait et s'était petit à petit brisé. Et finalement, Pierre avait essayé de paraître fort pour soutenir Benjamin. Il avait eu conscience qu'il allait être profondément triste bien sûr, mais il avait voulu essayer d'être fort à ces yeux, pour l'aider dans cette mission si pesante. C'est là que Benjamin lui avait promis, juste après un baiser, qu'il ne l'abandonnait pas et qu'il ne l'abandonnerait jamais, il lui avait promis qu'il les protègera Milo et lui, et qu'il reviendrait dès que possible. À son tour Pierre avait voulu faire sa promesse, il avait promis à Benjamin de penser à lui chaque jour pour lui envoyer sa force, pour le soutenir et ne jamais l'oublier. Benjamin avait protesté, il voulait que Pierre vive sa vie sans se préoccuper constamment de lui, il voulait qu'il souffre le moins possible. Mais Pierre l'avait embrassé pour le faire taire, pour lui faire comprendre que son amour pour lui était tellement fort qu'il souffrirait forcément de son absence, mais qu'il croyait en lui, en son retour, et qu'il le soutiendrait, aussi dure que soit cette situation.