Chapitre 3

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Avril 2019

Le lendemain, quand je me réveillai, elle n'était plus dans le lit. Elle avait réussi à s'asseoir sur le pas de la porte qui donnait à l'extérieur et regardait l'immensité du néant. Les flammes avaient alors déjà complètement disparues. Ses yeux semblaient évasifs. Ils étaient fatigués. Ils cherchaient je ne sais quoi dehors.

Je la rejoignis sur le seuil et m'assis près d'elle. J'observai avec elle ce vide devant nous. En à peine un mois, j'avais oublié à quoi ressemblait la ville quand le monde était encore en vie... Je n'avais même pas osé sortir de la ville par peur de trouver pire. Je ne sais pas comment je savais qu'ailleurs aussi l'apocalypse avait tout détruit, mais je le savais.

Maintenant que j'y pensais, je me demandai d'où venait la fille. Je n'étais jamais sortir de l'Umbrella Academy, je ne pouvais donc pas dire si elle venait de cette ville où si elle avait fait le trajet d'une autre à ici. Elle était un mystère pour moi, et je devais certainement être un mystère pour elle aussi.

"Dis, tu m'as pas dit ton nom", fis-je.

Elle n'eut aucune réaction, ne détourna pas le moins du monde le regard, ne bougea pas, ne fit rien.

"Je vois... Et je peux au moins savoir comment tu t'es retrouvée sous ses débris?"

Elle tourna son sublime visage vers le mien et tout mon corps se réchauffa en une fraction de seconde. Je crois bien que mes joues avaient légèrement rougies aussi, mais peu importe. Elle plongea ses yeux dans les miens comme pour m'achever puis elle détourna le regard vers l'apocalypse.

Son silence me glaçait le sang.

"T'as rien dit depuis que je t'ai trouvée hier, t'es muette ou quoi?" plaisantai-je.

Elle me regarda de nouveau. Son regard était doux mais plus sérieux qu'avant. Elle leva l'une de ses mains et fit un geste étrange. Comme pour me dire "ok" de la main, elle fit toucher son pouce et son index tout en laissant ses autres doigts dépliés puis elle pencha d'un coup un peu sec sa main de la verticale à l'horizontale. Je la fixai en fronçant les sourcils sans comprendre tout de suite. Je n'avais jamais vu ça à l'académie, je ne connaissais rien du monde maintenant que j'y pense.

"T'es muette?" répétai-je.

Elle refit le même geste et c'est comme cela que j'appris mon premier mot en langage des signes: "oui".

"Oh... Je vois... Excuse-moi..."

On se remit tous les deux à fixer le paysage désertique devant nous.

"Tu pourrais peut-être m'écrire ton prénom", proposai-je.

Elle fit non de la tête.

"Pourquoi donc? Tu sais pas écrire?"

Elle n'eut même pas la peine de signer un "non" que je compris tout dans son expression.

Notre relation allait donc être très longue à mettre en place...

Après ce long moment de silence profond, je conclus que parler n'était pas ce que je préférais faire donc son handicap n'allait pas me déranger plus que cela. J'essayais de faire bonne impression en lui posant les questions les plus banales, mais je m'en fichais un peu. Je voulais survivre, pas faire copain-copine avec les survivants, même si cela serait utile si nous devions rester coincés ici longtemps...

J'étais réservé mais curieux, alors je poserais mes questions en temps voulu, mais pour l'instant, je ne forcerais pas la discussion. Elle ne pouvait même pas me répondre pour l'instant! Alors, j'attendrais.

Elle se redressa et revint s'allonger dans le lit. Elle était pâle et ne semblait pas en bon état... Elle se rendormit rapidement pendant que j'allais chercher du bois pour raviver le feu. Je jetais régulièrement des coups d'oeil vers la chambre pour m'assurer qu'elle était toujours là, avec moi, et que je n'étais pas seul de nouveau...

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