Animal

Chapitre 9

Novembre 2023

"Pas de gibier... encore... dis-je en soupirant, revenant du froid glacial de l'extérieur.

-Ils sont tous partis à l'ouest", signa Huit en regardant de ses yeux perçants les arbres recouverts de neige.

Je scrutai le même point, le même paysage que l'on connaissait si bien. Cela faisait plus de quatre ans... Quatre ans que nous vivions dans ce trou perdu, dans l'apocalypse qui avait tout détruit. C'était fou de voir qu'en si peu de temps la nature avait repris ses droits. C'était presque un message, comme si l'apocalypse avait eu lieu pour rendre la planète à la faune et la flore en effaçant l'humanité qui les tuait petit à petit. C'était un moyen de protéger la planète, de tout arrêter avant qu'il soit trop tard pour faire marche arrière. Le fait que Huit soit la seule à avoir survécu me bouleversait. J'avais eu le temps d'y penser mais jamais le courage de demander. Quatre ans... Cela était si peu et si long à la fois.

Je faisais face à ce décor hivernal. Le silence régnait, tout était blanc et semblait pur. Rien à l'horizon à part un ou deux arbres et des ruines. La neige avait le contrôle sur chaque chose et elle rendait cet endroit si beau... C'était vide mais un vide splendide qui coupe le souffle. On n'osait plus respirer par peur d'arrêter cet instant magique où le monde était figé. Pas le moindre animal se baladant dans la glace fraîche, pas une trace de pattes, seulement les marques des pas de Cinq un peu plus tôt. Plus loin, dans la forêt, à part le ruisseau qui chantait doucement sa mélodie, rien ne venait briser le silence, tout était vide.

Je regardai alors Huit. Ses yeux étaient déterminés, fixant le paysage. Ses joues étaient roses et son nez tout rouge à cause de froid qui venait à elle. Cela la rendait étrangement ravissante et c'était dans ces moments que je comprenais pourquoi elle. Pourquoi j'arrivais à l'aimer elle et personne d'autre. Ce n'était pas une question d'apocalypse, ce n'était pas parce que j'avais besoin d'un soutien émotionnel ou je ne sais quoi, c'était simplement elle. Elle était si magnifiquement mystérieuse. Elle m'intriguait. Dès que je la voyais ou que je la sentais près de moi, mon être ne pensait plus qu'à elle et se demandait comment était-elle si bouleversante. Comment elle pouvait avoir ce regard si profond dans lequel j'essayais de déchiffrer des réponses? Comment pensait-elle? Que se passait-il dans son esprit si singulier? Elle était incroyablement étrange. Elle m'effrayait tout en me donnant envie d'en savoir plus et de m'approcher plus près. J'aimais plus que tout ces yeux puissants.

Elle était en short car elle était près du feu auparavant. Ses cuisses devaient être fouettées par le vent froid. Ses bras étaient eux aussi nus et ils frissonnaient. Mais elle ne bougeait pas, elle restait avec cet air déterminé qui m'impressionnait.

"Comment tu sais que le gibier est parti à l'ouest? demandai-je.

-Les animaux ne sont pas aussi bêtes que tu le crois, ils réfléchissent beaucoup. À force de se faire avoir dans les bois alentours, ils ont fini par partir. On a tué leur frères et leur sœurs, rester serait du suicide.

-Comment tu sais que c'est vers l'ouest qu'ils sont allés?

-Il n'y qu'une route qui traverse notre ville, elle part de l'ouest et va à l'est. Ils ne l'ont pas empruntée mais ils la suivent inconsciemment. Et j'ai vu récemment quelques marques de loups à l'ouest de la route. Les prédateurs suivent leur proie. Si on suit les loups, on tombera sur le gibier, conclut-elle, les yeux rivés sur la neige.

-Comment tu sais tout ça?" l'interrogeai-je, impressionné.

Elle mit un peu de temps à répondre. Sur ses iris, j'eus le privilège de voir la neige se refléter. Cela faisait briller son regard, c'était assez charmant. Quand elle respirait, je voyais aussi la fumée sortir de son nez rougi. Je ne sais pas comment décrire mieux que cela cette scène fabuleuse, mais à ce moment précis, il n'y avait rien d'autre à part elle, comme si la neige avait arrêté le temps pour elle...