Épilogue

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"Chérie, ce soir on va au restaurant ?" demandai-je alors que je ravivais la cheminée avec de grosses bûches fraîchement coupées.

La belle odeur de feu de bois me rappelait avec un peu de nostalgie l'apocalypse. Les temps calmes au près du foyer. Les nombreuses histoires lues contre cette chaleur. Les nombreux baisers échangés ainsi que les nombreux pleurs. Ce parfum avait un aspect mélancolique. Il me rappelait la tristesse de ces moments de survie mais aussi tous les merveilleux instants passés avec Huit.

Elle sortit de la chambre en défaisant les boutons de sa chemise. Je la dévisageai en souriant tandis qu'elle laissait entrevoir sa poitrine.

"Je peux savoir ce que tu fais", la questionnai-je presque en riant.

Elle releva la tête vers moi sans comprendre. Elle me scruta un instant, essayant de trouver la raison de ce regard assez coquin, puis elle finit par sourire.

"T'imagine pas n'importe quoi, signa-t-elle. C'est la pleine lune ce soir.

-Donc pas de restaurant non plus..." soupirai-je, amusé et aussi déçu en quelques sortes.

Elle finit de déboutonner son chemiser laissant voir maintenant son énorme ventre, puis une fois complètement nue elle se transforma sous mes yeux en un magnifique chien, musclé et confiant. Son ventre se voyait un peu moins sous cette forme animale. J'arrivai près d'elle pour ramasser ses vêtements et les replier sur la table pendant qu'elle traînait dans mes jambes en aboyant. Elle aboyait beaucoup quand elle se transformait, peut-être pour rattraper tout ce qu'elle ne pouvait pas dire et crier lorsqu'elle était humaine.

Finalement, je me retournai pour lui laisser des caresses avant qu'elle fonce dehors à toute allure en hurlant à la lune. En quelques secondes, elle avait disparu dans le grand bois qui entouraient notre maison.

Je m'avançai sur le porche pour contempler la lune se refléter sur le grand lac qui logeait derrière chez nous. Je pensai alors à la chance immense que j'avais d'être heureux. Je vivais loin du monde, dans un cadre montagneux fabuleux où personne ne viendrait jamais me déranger, avec la femme de ma vie et bientôt avec notre enfant...

J'espérais qu'elle soit aussi heureuse à mes côtés mais je me rappelai vite de son allure lorsqu'elle courait dehors. Les gens ne verraient qu'un chien qui s'amuse dans un jardin sans limite mais moi je voyais ma femme heureuse d'être enfin libre d'être ce qu'elle était, libre d'être extraordinairement sauvage. Je ne regrettais donc à aucun moment d'avoir fui la civilisation pour nous installer dans un coin perdu du monde où chacun d'entre-nous pouvait être soi-même.

Je lui faisais confiance, et elle aimait que je lui fasse confiance. Les nuits de pleine lune, elle sortait dans le bois et elle courait, elle hurlait, elle chassait parfois, elle sautait, en bref elle extériorisait ce sentiment bestial qui l'emparait. De cette manière, nous évitions les accidents et les blessés. En effet, en ville, elle s'échappait si je ne l'attachais pas et elle partait attaquer tous ce qui sentait un peu trop fort le sang. Le lendemain, je la retrouvais en pleurs dans mes bras, du sang à la bouche.

C'était des épisodes très compliqués pour elle comme pour moi qui ne voulais pas la priver de sa liberté, aussi féroce soit elle.

Le fait de vivre dans la nature était la meilleure solution trouvée, et elle nous convenait à la perfection car elle nous rappelait l'apocalypse.

J'allai donc me coucher, serein en pensant au bonheur de Huit qui devait actuellement se baigner dans le fond du lac car j'entendais un lointain son d'animal qui se secouait, comme les chiens quand ils sont mouillés. Je m'endormis et quelques minutes avant le levé du soleil je me réveillai. J'attrapai le peignoire et un énorme morceau de viande avant de rejoindre le porche. Quelques instants plus tard, elle arriva en trotinant et en remuant la queue comme si elle ne m'avait pas vu depuis des jours. Elle me fit la fête avant de dévorer le morceau de viande. Le soleil pointa le bout de son nez et elle se transforma dans ses rayons orangés. Il faisait encore sombre et le contre-jour me laissait simplement apercevoir sa magnifique silhouette. Elle enfila son peignoir avant de s'asseoir doucement sur moi.

AnimalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant