XXI.

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Il était treize heures vingt quatre et Era caressait son chien, Junon, qui se roulait par terre tandis qu'elle était assise à ses côtés. Elle sourit faiblement, mais comme souvent -toujours- son cerveau se tournait vers lui, et vers cette pensée : avait elle raison de l'attendre ? La jeune femme se sentait faiblarde, presque malade. Sans doute parce que cela faisait trop d'année qu'elle l'attendait, trop d'année que bien des hommes et des femmes lui lançaient des sourires et tentaient d'entretenir une réelle conversation avec elle, trop d'années qu'elle se refusait à vivre. Mais à force de s'empêcher de profiter de chaque battement de cœur, ceux ci devenaient une erreur. Elle se sentait morte.

La neige tombait dehors et le vent fouettait les murs de l'immeuble. Mais malgré tout ce bruit, elle entendit toquer à sa porte. Junon n'aboya pas, pour une fois, alors Era lança un regard curieux au judas. Elle ne pensa pas une seule seconde que derrière la porte, c'était lui.

Alors quand elle le vu, son cerveau se mit tout simplement en veille. Elle ne comprenait plus rien du tout. Elle déverrouilla la porte et l'ouvrit. Elle avait imaginé cette scène tant de fois qu'elle ne savait plus ce qu'elle aurait aimé dire ou faire. De plus, Era savait que cet après-midi là, elle avait une tête particulièrement hideuse. Ses règles lui tordaient le ventre de douleur, son mascara avait coulé à cause de larmes et elle portait son pyjama des mauvais jours. Si il y avait bien un jour où Bucky n'aurait pas dû réapparaître, c'était aujourd'hui. Il était pourtant devant elle, à la regarder avec une joie retenue, et elle ne pouvait pas lui dire de repasser demain.

Ce fut alors sans penser qu'elle dit d'un ton presque agressif :

- Qu'est ce que tu fais là ?
- Je te dérange ?

Il avait l'air si inquiet et son teint devint livide. Elle rétorqua alors brusquement :

- Non, non, mais..
- Tu veux que je repasse demain ?

Era eut presque un demi sourire, tant les paroles qu'ils venaient de prononcer lui paraissaient comiques.

- Hors de question, répliqua la femme

Il la dévisagea, prit une grande inspiration, les poumons compressés en même temps que la gorge par le stress.

- Je reviens Era. Ça y est je suis là, et je le resterais, déclara l'homme. Mais si je viens au mauvais moment..

Elle l'examina avant de fondre en larmes, appuyée contre la porte. Il voulut la prendre dans ses bras mais elle le repoussa. A la place, elle couvrit son torse de mini coups de poing.

- Idiot, tu penses vraiment que tu me déranges ? Tu étais où, espèce d'abruti ? s'exaspéra-t-elle, totalement enragée 
- Désolé d'être parti si longtemps Era.
- T'es un idiot.

Il ne répondit pas, se contentant de se noyer dans des excuses.

Malgré tout, elle le fit rentrer. Elle s'essuya le visage tandis que Junon allait lécher la main de Bucky.

- Quel est son nom ? demanda-t-il, presque attendri par la bouille d'ange du chien
- Junon. Tu veux un truc à manger ? proposa t elle, toujours furieuse
- Non, rien.

Il se sentait soumis à sa colère et il n'eprouvait pas particulièrement l'envie qu'elle lui jette la nourriture qu'il lui demanderait à la tête.

Elle lui dit qu'elle allait revenir et s'enferma dans la salle de bain. Elle essaya de se laver la figure mais elle ne faisait que pleurer. Elle haussa les épaules en voyant son allure avec son pyjama et ses yeux fatigués.

Quand elle revint, il lui demanda aussitôt :

- Comment ça va ?

En le voyant ainsi, les sourcils plissés d'anxiété et la bouche tordu en une expression inquiète, elle sut qu'il n'allait pas mieux qu'elle.

- Je crois que ça va. Et toi ?

Soulagé, il constata qu'elle avait l'air plus calme.

- Tout va bien.

Ils se regardèrent sans un mot, en s'adressant avec un sourire.

- Tu étais où ? s'inquiéta la femme, avec une expression soucieuse.
- Mission, grimaça Bucky.
- Depuis tout ce temps ?
- Non, j'ai d'abord disparu pendant cinq ans, confia t il, mi amusé, mi exaspéré par les coups que le destin lui mettait
- Et pourquoi tu reviens maintenant ? Pourquoi que maintenant ? Ça fait si longtemps.
- Sam m'a enfin lâché la grappe, plus de mission pour l'instant. Crois moi tu m'as manqué aussi.

Era soupira et le convia à s'installer sur le canapé.

- Un truc à boire ?
- Jus d'ananas, glissa l'homme avec un rictus complice.
- Je m'en sers un aussi alors, sourit la rousse.

Ils échangèrent un coup d'œil amusé.

La serveuse [Bucky Barnes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant