Trois jours s'étaient écoulés depuis l'envoi de ma dernière lettre à Jeffrey Damher, mais aucun signe de réponse ne s'était manifesté. Cette absence de retour ne me surprenait guère, bien que j'aie tenté avec détermination de refouler mes émotions, mon dégoût et ma colère à l'égard de cet individu.En vérité, je ne nourrissais guère d'attentes quant à une réponse, et je devais avouer que cette affaire commençait à s'estomper progressivement dans mon esprit. La vie suivait son cours, et cet épisode se dissipait lentement de mes préoccupations.
Chaque matin, je me rendais au Chicago Lakeshore Hospital, un établissement privé spécialisé dans le traitement des troubles comportementaux et de la toxicomanie. Bien que cette réalité ne corresponde pas exactement à mes aspirations après des années d'études, travailler ici s'avérait souvent ardu, mais me permettait surtout de faire mes premières armes professionnelles.
Arrivée à mon bureau, situé au deuxième étage du bâtiment, je m'installais sur ma chaise et activais machinalement mon poste de travail. Je patientais calmement pour recevoir mon premier patient : Yann Duval, un jeune homme en traitement depuis un certain temps déjà, luttant contre l'alcoolisme et la dépendance à certaines substances.
Ce n'étais pas notre première séance ensemble, et Yann témoignait maintenant d'une certaine docilité à mon égard, une attitude qui n'a pas toujours été la norme. Je me rappelle encore de notre première rencontre : tous deux tendus à l'idée de faire connaissance. Il demeurait silencieux, refusant de répondre à mes questions, plongé dans un mutisme absolu. Ce n'est qu'à la fin de notre séance qu'il s'est soudainement laissé emporter par la colère, projetant violemment au sol tout ce qui se trouvait sur mon bureau. Au passage, il avait brisé mon pendule, offert en guise de bienvenue par un collègue.
D'apparence fragile et délicate, arborant une silhouette chétive, il franchit le seuil de la porte. Son regard trahit une certaine naïveté, et il semblait souvent absorbé dans ses pensées, observant le monde avec une curiosité enfantine. Sa timidité et sa réserve apparentes le rendaient parfois vulnérable aux yeux des autres. Pourtant, il dissimulait des cicatrices invisibles, héritages d'un passé marqué par de mauvaises fréquentations. Ces influences l'ont entraîné dans une spirale d'alcoolisme, une sombre échappatoire pour apaiser ses tourments intérieurs et ses blessures profondes.
- Contente de te revoir Yann. je vois que tu as bonne mine !
- Merci Docteur Keller
- Je vois que tes séances chez les alcooliques anonymes se passent plutôt bien, je suis contente de voir que cette thérapie marche bien.
- Merci Docteur ! J'ai suivis vos conseils et c'est vrai que maintenant je vais beaucoup mieux !
- Qu'en est-il de tes parents Yann, tu as repris contact avec eux ? Tu sait qu'il seraient ravis d'avoir de tes nouvelles.
- Non... pas encore et je ne crois pas être suffisamment prêt. J'ai honte et je ne me sent pas légitime après tout ce que je leur ai fait endurer.
- Je suis sure qu'ils ne t'en tiennent pas rigueur. Les parents aiment sans condition, fait moi confiance.
Laissant planer un léger silence, une idée venait d'apparaitre comme s'il s'agissait d'une évidence.
- Pourquoi pas leur écrire une lettre.
- Une lettre ?
Oui, c'est bien une lettre. Tu peux prendre le temps de réfléchir à tes mots et de l'envoyer quand tu le souhaites.
Yann inclina légèrement la tête sur le côté, ses sourcils se fronçant en une profonde réflexion. Après un moment, il haussa les épaules avec un léger sourire, approuvant silencieusement sa décision.La journée touchait à sa fin, et étant l'une des dernières à quitter le service, les bureaux du deuxième étage étaient déjà déserts après l'effervescence de la journée.
En enfilant ma veste et en prenant soin de verrouiller la porte à double tour, je me dirigeais vers ma voiture, désormais seule sans aucun voisin stationné à côté. Comme à mon habitude, j'insérai la cassette audio dans mon poste radio, laissant jouer mon titre favori "House of the Rising Sun" de The Animals. La douceur de ce mois de mai 1992 enveloppait l'atmosphère. Je profitais de cette agréable soirée de printemps avant de me mettre en route pour rentrer.Arrivée à la maison, alors que je feuilletais les enveloppes, probablement remplies de factures et de publicités de toutes sortes, mon cœur fit un bond lorsque je découvris un courrier provenant de la prison de Columbia de Portage entre mes mains. Je ne rêvais pas, il s'agissait bien là d'une lettre de la part de Jeffrey Dahmer !
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Cher Dahmer
Художественная прозаAnnie Keller, une jeune psychiatre de 30 ans, décide de relever le défi audacieux d'écrire des lettres au tristement célèbre Jeffrey Dahmer en prison. Ce qu'elle pensait être une simple étude de la psychologie tourmentée d'un tueur va finalement se...