Chapitre 12 - Sans foi ni loi

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"Bonjour Jeff,

Je prends un moment pour v... pour te répondre.

Jeff, laisse-moi te présenter Yann. Yann est mon patient à l'hôpital, mais il est bien plus que cela pour moi. Il est comme un petit frère, un ami précieux. En sa compagnie, je trouve un apaisement qui va au-delà du simple cadre professionnel. Yann est ma bouffée d'insouciance, une bulle de nostalgie qui me permet de temporairement échapper aux soucis de la vie adulte. Il compte beaucoup pour moi.

Yann incarne les moments de bonheur en famille, l'odeur de l'herbe fraîchement coupée sous une brise estivale. Son rire enrichit ma vie et me donne la force de traverser les jours sombres. Il est celui qui me rappelle ta présence, à qui je réponds sincèrement oui.
Permet-moi de te présenter la personne qui m'a inspiré à continuer à t'écrire, celle qui m'a empêché de faire une erreur en te laissant de côté. Je n'aurais jamais imaginé évoquer Yann dans ce contexte initial. Je souhaite m'ouvrir à toi comme tu l'as fait avec moi, en te faisant confiance malgré les jugements médiatiques.

Hier, j'ai vécu l'une des plus belles soirées de ces deux dernières années. C'était simple, paisible, hors du temps. Ta présence aurait ajouté à cette magie. J'aurais tant aimé partager ce moment avec toi.

Au fait, j'ai quelque chose pour toi aussi. J'ai pris quelques photos avec mon appareil instantané. Je les ai numérotées : la première, c'est Yann et moi. Tu pourras enfin mettre un visage sur mes lettres. C'est injuste que je te connaisse visuellement et pas toi, n'est-ce pas ? Sur la deuxième, c'est moi, Yann et sa mère. Ils vivent dans un camping-car, une idée que je trouve admirable. On doit se sentir tellement libre ! J'espère que mon récit pourra te procurer un peu de cette liberté pendant ta détention. Et sur la troisième, c'est chez moi. Bienvenue dans mon humble demeure. C'est ici que je passe la plupart de mon temps libre ces jours-ci. Et c'est sur ce canapé en cuir, marqué par les traces de ceux qui s'y sont assis, que je t'écris cette lettre.

Je souhaite sincèrement que la vie en prison ne soit pas trop difficile pour toi. Tu ne mérites pas d'être là-bas, tu devrais être pris en charge dans l'un des meilleurs centres psychiatriques du pays. Comment te sens-tu, Jeff ? La situation n'est pas trop dure ? Ça m'inquiète, tu sais...

Ton amie, Annie."

***

"Ma chère amie Annie,

Quelle réjouissance que de pouvoir enfin contempler ton visage. Tant de fois j'ai tenté d'imaginer à quoi tu pouvais ressembler. Je suis enchanté de découvrir ton portrait. Je m'attendais vaguement à tes longs cheveux bruns tombant sur tes épaules et aux courbes de tes yeux châtaigne. Je suis agréablement surpris par les délicates taches de rousseur ornant tes pommettes. Mais ce qui me fascine par-dessus tout, c'est ton sourire contagieux. Il y a bien longtemps que je n'ai pas vu sur le visage de quelqu'un un sourire aussi sincère et communicatif.

C'est avec beaucoup d'humilité que je fais irruption dans ta vie. Je ne mérite pas ton hospitalité, Annie, c'est trop. N'oublie pas... N'oublie pas qui je suis.

Peu m'importait ce qu'il était ou ce qu'il est. J'avais ignoré le monstre pour me concentrer sur l'homme. Il a commencé à se libérer de cette terrible emprise en avouant ses crimes. Aucun de ses aveux ne peut ramener les victimes à la vie, mais je crois sincèrement aux repentirs sincères. Jeff a été son propre bourreau, creusant sa propre tombe. J'éprouve un profond respect pour les victimes et les familles qui ont perdu leurs êtres chers. Je suis en colère contre le destin qui a permis à Dahmer de causer tant de souffrance, rendant ma tâche d'autant plus difficile.

Cher DahmerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant