Je savourais cette parenthèse d'intimité que nous partagions, convaincue que ses préférences ne me permettraient jamais d'obtenir davantage. Les délicates mèches blondes qui effleuraient sa nuque s'entrelaçaient entre mes doigts, et je pouvais sentir son cœur battre contre ma poitrine. Avait-il réellement un cœur ?
- Jeff... murmurais-je doucement dans son oreille.
- Oui, Annie ?
- Je... J'ai quelque chose à te dire.Il se redressa aussitôt, libérant mon corps réchauffé par notre étreinte. Son regard trahissait une inquiétude profonde, une peur de l'abandon qui semblait le hanter depuis des années, visible aisément sur son visage.
- Ne t'en fais pas, Jeff, je ne compte pas partir.
Son visage se figea, mais ses yeux restaient emplis d'interrogations.
- Jeff, en fait, je ne sais pas vraiment comment te dire ça. C'est assez difficile.
Je fis une pause, mes doigts s'entrelaçant nerveusement. Une boule se forma dans ma gorge, la même sensation d'étouffement que j'avais ressentie le premier jour de notre rencontre, mais cette fois-ci, c'était comme si mon corps me lâchait.
Me levant péniblement sur mes jambes tremblantes, je me retrouvai face à Dahmer, qui se dressait de toute sa hauteur imposante. La lumière autour de moi s'estompait progressivement, me plongeant dans une bulle intemporelle. Face à ce démon et à mes propres démons, le moment était-il bien choisi pour dévoiler mes sentiments ? Mes lèvres brûlaient de prononcer ces mots, ma gorge était serrée par une avalanche d'émotions trop longtemps refoulées. Mes bras retombaient le long de mon corps, mes muscles se relâchaient, m'apaisant instantanément, ne laissant que mes mains entrelacées aux siennes.
Ma bouche s'ouvrit légèrement, laissant échapper un souffle chaud avant de laisser place aux premières syllabes qui allaient changer ma destinée à jamais.- Je crois que je t'aime.
C'était dit, enfin. Aussi simple que cela, aussi bêtement que cela. Le visage de Jeff s'illumina, précédant une réponse plus rapide que je ne l'attendais.
- Moi aussi, Annie, je tiens beaucoup à toi.
Je l'interrompis brusquement, craignant de perdre toute cette soudaine vague de courage qui m'envahissait.
- Non, Jeff, tu ne comprends pas. Je crois que je t'aime. Non, rectifiai-je avec conviction, je t'aime, Jeffrey Dahmer, et peu importe les conséquences.
Il resta là à me fixer.
Je pensais que mon silence était une protection, alors qu'il ne faisait que renforcer mes sentiments. Jeff, je t'ai aimé bien avant que nos peaux se touchent. Mais quand nous nous sommes tenus pour la première fois, il semblait que je connaissais déjà la texture de ta paume, de ta peau. Ton toucher était si complet, si rassurant. Tout mon être aspirait à trouver sa place dans le creux de ta main. Le cœur ne se livre qu'à celui qui sait le tenir, mais envers toi, je me serais donnée entièrement, corps et âme. Tu touchais bien plus que ma chair, tu touchais mon essence même. Je ne savais plus comment me comporter avec toi. Je me demandais ce qui serait le plus douloureux : te révéler mes sentiments ou les garder enfouis à jamais.
Et chaque jour misérable qui passe, je me demande pardon. J'aimerais ne plus continuer. Tes yeux, qui me font oublier le monde, me rappellent les horreurs que tu as commises. Je ne me pardonne pas de t'avoir pardonné. Comment expliquer à mon propre cœur que je serais plus malheureuse avec toi ? C'est terrifiant de voir jusqu'où le cœur peut tolérer lorsqu'il est captivé par une âme. Cet amour m'a entraînée dans une guerre contre moi-même. Jeff, je suis épuisée. J'aimerais cesser de te chercher sur la peau d'autres personnes, sortir de ce cauchemar.
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Cher Dahmer
General FictionAnnie Keller, une jeune psychiatre de 30 ans, décide de relever le défi audacieux d'écrire des lettres au tristement célèbre Jeffrey Dahmer en prison. Ce qu'elle pensait être une simple étude de la psychologie tourmentée d'un tueur va finalement se...