" Chère Annie,Je prends la plume aujourd'hui avec un poids lourd dans le cœur, sachant pertinemment que chaque mot que je pose sur le papier est scruté de suspicion.
Je sens votre méfiance Annie, comme une ombre qui plane sur nos échanges. Et je ne peux que comprendre pourquoi.
Je ne cherche toujours pas à justifier mes actes, je suis conscient de l'horreur de mes crimes, de la souffrance que j'ai affligé à tant de familles. En tant qu'homme, je me trouve détestable, indigne de tout pardon ou compassion.
J'aurais souhaité pouvoir me cacher derrière le masque de la folie, pouvoir dire que je n'étais pas responsable de mes actions, mais la vérité est bien plus sombre. Je suis pleinement conscient de chaque vie que j'ai prise. Et c'est une charge insupportable à porter.
Tous ces experts me font rire. Les gens peuvent dire que c'est la situation familiale, des pressions extérieures ou une maladie mentale, mais le fait est que c'est moi qui ai fait ça. Et pas qu'une fois, mais de façon répétée. Une vraie autodestriuction.*
Ma vie est un cauchemar sans fin, un tourment constant où les souvenirs de mes atrocités me hantent jour et nuit. Je suis prisonnier de mon esprit, condamné à revivre mes crimes encore et encore, chaque détails gravé dans ma mémoire comme une marque indélébile.
Je n'attends ni ne mérite votre pardon. Je voulais simplement que vous sachiez, que derrière le monstre que j'ai été, il y avait autrefois un homme brisé, perdu dans les ténèbres de sa propre folie.
Jeff Dahmer."
Après avoir goulument lu cette dernière lettre, j'étais étonnée par la facilité avec laquelle il se confiait. Il exposait ses pensées les plus sombres, ses regrets les plus profonds, comme s'il n'avait rien à cacher. Cette ouverture brutale et déconcertante contrastait avec l'image du tueur en série froid et calculateur que j'avais en tête.
Il semblait désespéré de partager le fardeau de sa culpabilité, comme s'il cherchait à être compris, même dans sa monstruosité. Cette révélation de sa vulnérabilité et de son auto détestation m'ébranlais, remettant en question mes propres certitudes sur la nature humaine.
Pourtant, malgré cette étrange proximité émotionnelle qu'il cherchait à établir à travers ses mots, je restais sur mes gardes. La sincérité de ses confessions ne dissipait pas complétement la terreur et le dégout que j'éprouvais pour lui.
" Monsieur Dahmer,
Je tiens à vous remercier pour votre lettre sincère et, je dois l'avouer émouvante. En la lisant, j'ai été profondément touchée par la peine, la douleur que vous ressentez et la douleur que peuvent ressentir les familles des victimes.
Je ne peux qu'imaginer les tourments qui vous assailles sans relâche.
Malgré les horreurs de vos actes, je ne peux m'empêcher d'éprouver de la compassion envers l'homme brisé que vous décrivez. Mais quand est-il du monstre ?
Votre confession honnête de votre propre dégout et de vos remords montre une vulnérabilité que je n'aurais jamais imaginé de vous.
Je sais que vos mots ne peuvent effacer la souffrance que vous avez affligé à tant de personne, mais je suis reconnaissante que vous ayez trouvé le courage de les partager. Peut-être, quelque part au fond de votre cœur torturé, il y une lueur d'espoir pour la rédemption.
Je ne prétends pas pouvoir vous pardonner pour autant, mais je vous souhaite sincèrement de trouver la paix intérieur que vous cherchez désespérément. Puissiez vous un jour trouver le réconfort et la guérison.
Annie Keller."
Après avoir envoyé ma réponse à destination du centre correctionnel de Portage, je me sentais surprise de ressentir de la compassion pour lui.
Je ne m'attendais pas à être touchée par les tourments intérieurs d'un monstre tel que Jeffrey Dahmer, le cannibale de Milwaukee. C'est comme si une part de moi refusait de le juger uniquement sur ses actions atroces, mais plutôt sur la souffrance humaine qu'il porte en lui.
Pourtant, en réalisant mes propres mots, je me rendais compte à quel point je me laissais emporter par cette compassion. Je ne me reconnaissais pas dans cette indulgence envers quelqu'un qui avait causé tant de douleur et de destruction.
Je réalisais que je devais être plus vigilante à l'avenir, ne pas laisser mon altruisme prendre le dessus sur mon sens de la justice et de la moralité. Même face à la détresse d'un individu aussi troublé, je ne pouvais pas oublier les atrocités qu'il avait commises et les vies qu'il a détruites.
La compassion est une qualité noble, mais elle doit être exercée avec discernement. Je ferai de mon mieux pour ne pas oublier cette leçon à l'avenir.
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*Les phrases précédées d'un * sont des véritables paroles tirées d'interview de Jeffrey Dahmer et également repris dans divers livres dont celui de Stéphane Bourgoin: Le cannibale de Milwaukee ou dans: Jeffrey Dahmer Les aveux complets.
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Cher Dahmer
General FictionAnnie Keller, une jeune psychiatre de 30 ans, décide de relever le défi audacieux d'écrire des lettres au tristement célèbre Jeffrey Dahmer en prison. Ce qu'elle pensait être une simple étude de la psychologie tourmentée d'un tueur va finalement se...