Dans l'habituelle attente qui marquait mon existence, je me trouvais, résignée. Cependant, ces attentes-ci, elles étaient d'une cruauté sans précédent. La pièce, austère et glaciale, projetait une atmosphère inhospitalière. Une table métallique sobre trônait au centre, flanquée de deux chaises, dont celle que j'occupais. Une ampoule pendue au bout d'un fil, unique source de lumière dans ce décor sinistre, projetait une lueur terne.
Je patientais, comme à mon accoutumée, tandis que ma jambe droite s'agitait nerveusement, sentant l'agitation monter en moi. Combien de temps encore ce supplice allait-il durer ? J'aspirais à ce que ce moment s'achève, me libérant ainsi des tourments qui m'accablaient.
Soudain, le grincement d'une porte dans le couloir résonna, accompagné de pas pesants. Je me redressai sur ma chaise inconfortable, essayant en vain de maîtriser mes émotions débordantes. L'envie de crier, de pleurer, me submergeait alors que la situation m'échappait.
Je patientais, comme à mon habitude. Une attente qui me tourmentait, mêlant impatience et appréhension, désir et désespoir.
Les pas résonnants se rapprochèrent, et dans un soupir profond, je fermai les yeux, me mordant la langue pour tenter de canaliser le tumulte qui grondait en moi. Que ce moment s'achève enfin !
La porte pivota, laissant apparaître la silhouette imposante de Jeffrey dans l'encadrement devenue soudain étroit. Par politesse, je me redressai alors qu'il prenait place en face de moi, les mains solidement menottées.
Les deux policiers chargés de son escorte nous laissèrent seuls dans la pièce, enfermés dans notre confrontation inéluctable.
Nous nous observions en silence, dix interminables minutes s'étirant sans qu'un mot ne franchisse nos lèvres. Nos regards seuls se suffisaient. C'était réconfortant, cette proximité avec quelqu'un où les silences n'étaient pas gênants, mais plutôt accueillis. J'étais impressionnée, davantage que lors de notre première rencontre au parloir. Impressionnée et troublée.
Ne vous méprenez pas, ce n'était pas seulement son apparence séduisante qui me bouleversait à cet instant, mais aussi son sinistre palmarès. Je me tenais face au tueur en série le plus redoutable de sa génération, suscitant l'intérêt à l'échelle mondiale. J'étais en présence d'un être où résidait à la fois l'ange et le démon, un monstre impitoyable et terrifiant. J'étais confrontée à l'horreur même, et ce qui était le plus effrayant, c'est que j'étais entièrement à sa merci.
- As-tu regardé le film diffusé hier soir sur la chaîne principale ?
Je me figeai légèrement.
- Euh, je suis allée me coucher tôt hier.
- Oh...
Une pointe de déception se fit entendre.
Le silence reprit possession de l'espace.
- Euh... et était-ce bien ?
- Oui ! Vraiment ! C'était un film de science-fiction, j'ai vraiment beaucoup aimé.
Je lui offris un large sourire. Notre première conversation banale, loin des questionnements, loin des regrets évoqués, loin de l'horreur et du tumulte de cette affaire malheureuse.
En quelques secondes, j'eus l'impression d'être avec une personne ordinaire, échangeant des banalités.Je remarquai ses doigts tapoter régulièrement le bout de sa chaussure tandis que son autre main tenait sa cheville posée sur son genou, une posture décontractée trahie par son geste nerveux.
Je désirais de la proximité. Je me penchai légèrement sur la table, laissant entendre mon souhait qu'il fasse de même. Il s'approcha également, posant ses coudes sur la surface métallique.
VOUS LISEZ
Cher Dahmer
Fiction généraleAnnie Keller, une jeune psychiatre de 30 ans, décide de relever le défi audacieux d'écrire des lettres au tristement célèbre Jeffrey Dahmer en prison. Ce qu'elle pensait être une simple étude de la psychologie tourmentée d'un tueur va finalement se...