Chapitre 11 - Neil Sedaka

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7h00 du matin,

Mon impatience à recevoir la réponse tant attendue me tirais du lit sans effort. J'enfilais ma robe de chambre, glissais mes pieds dans mes chaussures, et malgré ce mois de juin, les matins restaient encore frais. Je me précipitais vers ma boîte aux lettres. Comme une petite fille attendant le vingt-cinq décembre pour ouvrir ses cadeaux, je plongeais la main dans le petit compartiment, où elle heurta un petit paquet accompagné de la fameuse réponse en provenance de l'institut correctionnel de Columbia, dans le Wisconsin.

Je ne m'attendais pas à recevoir un paquet de la part de Dahmer. Intriguée, je m'installais sur mon canapé, prenant soin d'ouvrir d'abord la lettre. Sa réponse m'obsédait davantage que le contenu mystérieux de l'emballage.

"Ma très chère Annie,

Quel bonheur immense de recevoir votre lettre !

Je suis profondément touché de savoir que vous avez partagé ce moment avec moi. Jamais auparavant je n'avais entendu de telles choses ! C'est une sensation nouvelle pour moi et sachez qu'elle est extrêmement agréable. En lisant vos lignes, je me suis imaginé assis à vos côtés, partageant un moment merveilleux en excellente compagnie devant un film d'anthologie. Merci pour cela, Annie ! Merci pour votre patience et votre dévouement, pour avoir décrit avec tant de détails le film et vos impressions. Je me souviendrai ad vitam aeternam de cette séance, qui est sans aucun doute la meilleure que j'ai vécue, grâce à vous.

J'ai toujours été en quête d'émotions, vous savez. Rien autour de moi ne me stimulait, rien ne provoquait en moi le moindre sentiment de bonheur ou même de tristesse. J'étais constamment dépourvu de sensations, cherchant sans cesse un moyen de ressentir quelque chose.

Un jour, j'ai trouvé un chien écrasé sur la route, je crois que c'était un beagle. Je voulais voir à quoi il ressemblait à l'intérieur. Je l'ai découpé. Il était déjà mort. Je voulais faire quelque chose de choquant et je l'ai mis sur un pieu dans la forêt qui entoure notre maison.*

Si je vous raconte tout cela, Annie, et je m'excuse d'avance de vous choquer, c'est pour que vous puissiez comprendre à quel point ma quête d'émotions était intense. Je cherchais par tous les moyens possibles un quelconque déclencheur. Malheureusement, c'est à travers le meurtre que se manifestaient mes sensations.

Si seulement j'avais pu vous connaître plus tôt, peut-être les choses auraient-elles été différentes... Maintenant, vous êtes là, et je ne vous remercierai jamais assez de m'avoir écrit, même si c'était à contre-cœur ! Comme je vous l'ai dit, peu de choses ont réussi à me passionner durant ma vie, à part peut-être quelque chose en particulier. Je vous ai envoyé un petit paquet contenant un objet que j'aimerais partager avec vous. La seule chose qui me rendait normal aux yeux du monde. Même si aujourd'hui je réalise que même en matière de musique, mes goûts étaient plutôt douteux. J'étais adolescent alors, ne soyez pas trop dure avec moi ; j'étais le genre à écouter de la pop mielleuse et assez abominable, je le reconnais ! Mais c'est la seule chose en moi qui ne soit pas morbide.

Écoutez-la, commencez par le premier titre : Solitaire.

Bien à vous, Jeff."

En le déballant, l'objet tant attendu apparut. Sur sa face, une étiquette à moitié arrachée portait l'inscription "Neil Sedaka" écrite au stylo. Je me précipitais vers ma chambre, où mon baladeur cassette était rangé, et y insérais avec hâte la relique de Jeff. Allongée sur mon lit, le regard fixé au plafond, le casque vissé sur les oreilles, je me préparais à découvrir une part intime de Jeffrey Dahmer.

Cher DahmerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant