Cher Dahmer

Chapitre 16 - Rebirth

Depuis quelque temps déjà, Chad faisait partie intégrante de ma vie. Ce qui avait commencé comme de simples consultations pour aider ma patiente s'était progressivement transformé en bien plus que cela au fil des semaines.

Sa compagnie était devenue une véritable source de réconfort pour moi. Sa jovialité naturelle rayonnait autour de lui, apportant une légèreté bienvenue à ma vie. Sa présence avait un impact positif indéniable, répondant à un besoin profond que je ne réalisais même pas auparavant.

Depuis que Chad était entré dans ma vie, mes interactions sociales avaient pris une toute autre dimension. Je passais plus de temps avec Amanda et notre cercle d'amis, je prenais le temps de flâner davantage, et mes semaines étaient désormais parsemées de sorties et d'aventures. Redécouvrir le plaisir de vivre influençait également ma pratique professionnelle.

Là où autrefois je m'efforçais de cacher ma mélancolie derrière un sourire forcé, je débordais maintenant de joie, contaminant même mes collègues par ma bonne humeur. Même l'atmosphère terne de l'hôpital, qui avait l'habitude de me plonger dans la morosité, commençait à prendre une teinte moins sombre à mes yeux. Peu à peu, je retrouvais la Annie que j'avais été autrefois, et son absence m'avait manqué plus que je ne l'aurais cru.

La Annie rayonnante, toujours prête à saisir la vie à pleines mains, celle qui trouvait de l'humour même dans les moments difficiles. Cette version de moi que je croyais perdue s'était cachée au fond de moi, dans les méandres de mes tourments.

***

J'avais rendez-vous avec Chad cet après-midi là. C'était un vendredi, comme tous les vendredis où ma journée se terminait vers 12H00. Ce jour-là s'annonçait prometteur, avec comme dernier patient mon petit espiègle, Yann. Il ne se fit pas prier et pénétra déjà dans mon bureau avant même que ma séance précédente ne se soit achevée.

- Bonjour Doc !
- Bonjour Yann, tu es en avance dis-moi, lui lançai-je avec un clin d'œil. Après avoir remercié mon patient et lui avoir donné une feuille indiquant l'heure et la date de notre prochaine séance, je me retrouvai seule avec Yann.
- Alors, c'est quoi le programme aujourd'hui, Doc ?
- Le programme ?
- Bah ouais ! Quoi de prévu ? On se fait une toile, ou alors si vous préférez on peut aller aux arcades ? Qu'en dites-vous ?
- Oula oula, calme-toi CowBoy, j'ai déjà quelque chose de prévu pour cet après-midi.

Le visage du jeune adolescent se décomposa à l'idée de passer le week-end seul. Finalement, je repris avec une idée qui, je le savais, égayerait son expression attristée.

- Je vais sur la jetée Navy avec Chad. On va profiter de la douceur de cette fin d'été pour faire la grande roue et manger quelques cochonneries. Ça te dirait de...

Je n'eus même pas le temps de terminer ma phrase que Yann se mit à sauter de joie, clamant avec ferveur cette nouvelle perspective de passer un excellent vendredi soir.

- J'ai reçu de l'argent de la part de mes parents, je vais pouvoir le dépenser aux machines à grappin !
- Si tu veux, bandit, je te présenterai alors à Chad.

J'étais ravie, convaincue que Chad serait un excellent compagnon pour Yann. Cette idée avait germé dans mon esprit depuis quelques jours déjà, mais je n'avais pas osé franchir le pas, ne me sentant pas encore suffisamment proche de Chad pour lui présenter Yann. Je me livrais lentement à Chad, prenant le temps sans précipitation. J'agissais comme une mère protégeant ses petits avec celui que je considérais comme un petit frère, et je refusais de le présenter à n'importe qui.

La séance tirait à sa fin. À midi pile, nous rassemblions nos affaires et nous dirigions vers la jetée dans ma voiture. Sur le lecteur cassette, "Hurricane" de Bob Dylan accompagnait nos chants, maladroits mais remplis d'enthousiasme.