Chapitre 25 - Mise à nu (Part 1)

125 8 18
                                    


Absorbée par l'ennui des dossiers empilés sur mon bureau, je négligeais complètement la présence de Yann, étendu sur le canapé, s'amusant avec une balle qu'il faisait voltiger dans les airs.

- Bon, ça suffit avec cette balle !  lançai-je, agacée.

Le jeune garçon s'interrompit, surpris par ma réaction.

- Eh bien, Doc, qu'est-ce qui vous prend ? demanda-t-il, perplexe.

Je laissai tomber mon visage dans mes mains, frottant mes yeux à peine maquillés.

- Désolée, Yann, je suis un peu débordée ces derniers temps, soupirai-je.
- Pourquoi donc ?
- Tu sais que j'ai finalement eu l'occasion de rencontrer Dahmer en privé ?
- Oui, je sais, mais où est le problème ? C'est ce que vous vouliez, non ?
- Justement... Je veux quelque chose de plus, avouai-je.

Yann se redressa, s'asseyant en face de moi avec une expression préoccupée.

- Expliquez-moi, dit-il.
- Je tiens beaucoup lui.
- Je le sais aussi, mais en quoi est-ce un problème ?
- En quoi ? Voyons... Primo, il est homosexuel, secundo, il est en prison et... oh ! Oui, il se trouve être un sacré tueur en série. Si tu ne vois pas les problèmes, je ne sais pas ce qu'il te faut, répliquai-je, agacée.
- Bon, ce n'est pas comme si vous aviez choisi de tomber amoureuse de lui, tenta-t-il de minimiser.
- Ouais, je sais... Je ne sais juste pas quoi faire...
- Pourquoi ne pas lui dire ? Après tout, cela vous soulagerait plus que de garder ça pour vous, suggéra-t-il.
- Tu as peut-être raison. Mais j'ai peur que cela nous éloigne.
- Pourquoi ça ?
- Je ne sais pas... Pour me protéger ?
- Je doute fortement de ça. Je pense même que cela lui ferait du bien de savoir que quelqu'un l'aime sincèrement pour une fois, répondit-il avec assurance.

J'avais moi-même envisagé que la révélation de mes sentiments pourrait lui apporter quelque chose de positif. J'étais profondément convaincue que personne ne l'avait jamais aimé de manière authentique. Malgré mes efforts pour me persuader que mes sentiments étaient injustifiables, je me sentais néanmoins coupable de les éprouver.
Perplexe, je tapotai distraitement le bout de mon stylo contre le bois sombre de mon bureau.

- Pourquoi ne pas lui écrire une lettre ? C'est un bon compromis : vous lui révélez vos sentiments sans être directement confrontée à sa réaction, proposa Yann.
- Yann, que ferais-je sans toi ?  soupirai-je, reconnaissante.

Le garçon, arborant un sourire malicieux, se redressa triomphalement avant de répliquer avec entrain :
- Oh, pas grand chose. Heureusement que je suis là pour veiller au grain ! 


***

En chemin, la route se déroulait sous mes pneus alors que je me laissais emporter par ma vitesse. Mon esprit vagabondait, absorbé par des pensées profondes, mêlant désir et raison. Un flot incessant de questions envahissait mon esprit, trahissant mes réflexions à travers mes yeux. Pour une fois, j'avais envie de m'écouter, de lâcher prise, de me laisser guider par la vie, le destin, ou les événements. Je voulais simplement me laisser porter par le courant du "on verra bien", de vivre pleinement le moment présent. Mais avant d'entreprendre ce voyage qui exigerait un courage immense et peut-être un brin de folie, il me fallait d'abord me libérer de mes démons intérieurs.

Peu à peu, je m'habituais à ces trajets qui semblaient interminables au départ. La route finissait par m'apaiser, et je savourais le temps passé seule au volant de ma voiture. Même après une matinée de travail éreintante, je trouvais la force dans mes émotions. C'était étrange, d'ailleurs, de puiser ma motivation dans des sentiments envers un tueur en série cannibale. Je me surpris à penser avec une légèreté teintée d'ironie que je finirais par développer des liens avec tous mes patients.

Cher DahmerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant