Chapitre 3

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Cher journal,

C'est la première fois que j'écris dans un journal intime parce que j'ai toujours pu me confier, que ce soit à mes proches ou à quelqu'un d'autre. Or, je suis dans une situation assez particulière dans laquelle je ne peux pas me confier, alors que, pour être honnête, c'est la période où j'en ai le plus besoin. J'ai donc pris l'initiative d'écrire sur un vieux journal vierge qui trainait dans la cabine du capitaine, avec quelques stylos. Si je ne peux pas me vider de tout ce que je ressens en me confiant, je le ferai par écrit. Peut-être est-ce même la meilleure solution car je peux être sûre que personne ne me jugera.

Il s'est passé plusieurs évènements assez tragiques récemment. Le Patriote prend de plus en plus possession de la Terre et fait des ravages et des milliers de victimes. J'ai perdu ma mère, je n'ai aucune nouvelle de mon père et j'ai dû fuir avec ma sœur, mon petit-ami et mes amis. Nous voilà en bateau depuis un peu plus de vingt-quatre heures. Bonne nouvelle : nous arriverons demain dans un port où nous pourrons nous ravitailler. Peut-être même que nous nous abriterons sur cette nouvelle terre si les conditions de vie y sont sûres. Bref, j'écris afin d'exprimer ce que je ressens et apaiser ma conscience. Je me sens vide et seule, même si je ne le suis pas vraiment. Tout ce que je connaissais, tout ce que je possédais, ma vie entière m'a été dérobée par un gouvernement sans merci. J'angoisse régulièrement en faisant tout mon possible pour le cacher aux autres. Je tremble de tous mes membres sans réussir à m'arrêter. Je sens mon pouls battre à tout rompre, ma respiration se fait alors saccadée. Mes idées se brouillent et je ne suis plus sûre de pouvoir tenir debout. Je m'assois donc et me pince afin de me concentrer sur cette douleur et revenir à moi. J'ai juste envie que tout soit terminé, ou mieux encore, que rien de tout cela ne se soit jamais produit. Je souhaite retrouver la jeune Agathe au rire innocent et dont les seuls problèmes étaient d'avoir de bons résultats scolaires. Papa et maman me manquent. Et à Iris aussi. Je le vois bien dans ses yeux qui ont perdu leur étincelle, dans son sourire qui s'estompe aussi rapidement qu'il est apparu, dans son attitude qui se fait discrète et hésitante... Je le vois bien. Il est tard, presque minuit, mais je n'arrive pas à trouver sommeil. Tout me tourmente. Mais il va bien falloir que je me force à dormir si je ne veux pas inquiéter mes amis.

J'écrirai sûrement prochainement, je te garde, cher journal, dans un endroit caché de la vue des autres. Merci d'être là et de m'écouter (même si tu n'en fais rien et que tu n'es juste qu'un assemblage de pages aussi délaissées que moi).

Je refermai ce journal et le cachai entre les lattes de mon lit et mon matelas. Il était minuit passé à présent. Je m'allongeai dans mes draps en regardant le plafond. La seule lumière que je pouvais apercevoir était celle du clair de lune qui se faufilait entre les barreaux de ma fenêtre. J'entendais le doux sifflement des oiseaux. Ce son m'apaisa. Les oiseaux, eux, étaient libres. Ils devaient avoir une belle vie, sans Patriote ou gouvernement, sans rébellion, sans dangers plus gros que des clones diaboliques. Je fermai mes paupières en laissant libre court à mes pensées, positives ou sinistres. Je n'essayai même pas de les empêcher. Je sombrai dans un sommeil sans répit.

***

Cette fois-ci, je fus la première à me réveiller. Je ne vous cacherais pas que ma nuit avait été brève, pourtant, j'avais pu me reposer assez pour être en forme et pleine d'énergie. Ecrire la veille m'avait fait grand bien. Je sentais un léger poids de moins sur mes épaules. Il était sept heures trente-six exactement, et personne n'était debout. Je montai sur le pont pour préparer le petit-déjeuner. Sachant qu'on referait le plein de provisions dans la journée, je préparai des portions généreuses. Le petit déjeuner était constitué de fruits, céréales et quelques pilules de vitamines. Je servis également du jus d'orange industriel dans quelques boîtes de conserves déjà utilisées et lavées. Une fois le petit-déjeuner terminé, je me posai sur le pont en profitant des quelques timides rayons de soleil qui parsemaient ma peau. Le lever de soleil était splendide. Je voyais le soleil pointer son bout de nez à l'horizon. Il était attendu avec quelques variétés de couleurs pâles : de l'orange, du rouge et du jaune. Je me questionnai sur ce que je pouvais faire en attendant les autres. Je me souvins alors que je ne m'étais pas encore lavée depuis maintenant deux jours.

CondamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant