Condamnés

Chapitre 18

Le ciel arborait une teinte pastelle d'orange, mélangée à une pointe de rouge et de jaune. Quelques reflets timides de rose parsemaient le tout. L'océan était calme et reposé, un peu comme moi. Le soleil était encore bas dans le ciel, pointant ses premiers rayons à l'horizon. Il faisait doux, ni trop chaud, ni trop froid. Je respirais à pleins poumons l'air pur qui m'entourait.

Je me dégageai délicatement de la couverture, et la rabattis en entier sur Dylan qui dormait encore. Ses cheveux bruns étaient en bataille et lui donnaient un air de rebelle. Après tout, nous en étions tous un au fond de nous.

J'avais bien dormi, mieux que je ne l'aurais pensé. Je me levai et attrapai le sac poubelle. J'en sortis deux compotes, des madeleines et de l'eau. Je les disposai de manière à petit-déjeuner face au lever du soleil. Les couleurs pastelles qui se mélangeaient entre elles laissaient paraître un splendide spectacle.

Voyant que Dylan ne se réveillait pas, je décidai d'entamer mon repas sans l'attendre. Mes pensées vagabondaient au rythme des vagues. Je ne prêtais même pas attention aux saveurs tant j'étais absorbée par mes propres réflexions. Je finis mon repas sans vraiment m'en rendre compte, et jetai un coup d'œil à Dylan. Ce dernier dormait toujours paisiblement. J'esquissai un sourire en le voyant somnoler, recroquevillé sous la couverture.

Je fis en sorte d'attraper mon sac en tissu sans faire de bruit, et me reculai du mieux que je pus pour m'asseoir avec un minimum de confort. Je sortis du sac mon journal et un stylo, et me préparai à écrire. J'engouffrai une grande quantité d'air pur, et commençai à griffonner dans mon carnet.

Cher journal,

Beaucoup de choses se sont encore produites récemment. J'ai l'impression que ma vie n'est qu'un enchaînement de catastrophes.

Ma cérémonie d'initiation à l'Infini s'est plutôt bien passée dans l'ensemble, sauf en ce qui concerne Dylan. Il a retenu le docteur Stevenson d'annoncer à tout le monde la mort de ma mère en plein milieu de la cérémonie, ce qui lui a beaucoup coûté. Il a été tabassé, battu, et a subi bien d'autres horreurs encore. Il était sur le point de mourir lorsque je l'ai secouru. Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé si j'étais arrivée quelques minutes plus tard seulement.

D'ailleurs, lorsque je suis remontée sur le bateau pour prendre des affaires et provisions, j'ai croisé le docteur Stevenson. Il m'a grillée et m'a dit qu'il savait que je lui mentais en lui disant que je jetais les affaires de Dylan par-dessus bord. Pourtant, il est parti, alors qu'il devait se douter que je m'enfuirais. Si je suis si importante pour eux, pourquoi m'avoir laissé faire sans s'interposer ?

Peut-être qu'il savait que j'allais me rendre sur l'île Ouessant dans tous les cas...

Bref, nous voilà désormais seuls sur un petit canot de sauvetage, au beau milieu de l'océan, et nous nous rendons sur l'île Ouessant.
Dylan m'a dit quelque chose hier qui n'a pas arrêté de me trotter dans la tête toute la nuit, et ce matin encore. Il m'a dit me détester pour de multiples raisons, que je ne comprenais pas toutes. Mais celle qui m'a le plus intriguée est lorsqu'il disait qu'il me détestait parce qu'il me haïssait tellement qu'il ne pensait plus qu'à ça. Qu'il ne pensait plus qu'à moi.

Tu te souviens quand je t'ai écrit que j'avais l'impression d'être maudite ? Eh bien j'en suis de plus en plus convaincue. Tout ce que je touche s'effondre. Tous ceux dont je me rapproche meurent, ou alors, sont victimes d'atroces horreurs. Comme Dylan. Comme ma sœur. Comme Railey et Harry. Comme Maxime. Comme Arthur. Comme ma mère.

Je ne comprends pas ce qu'il faut que je fasse pour arrêter tout ça. Je ne peux pas me retenir d'adresser la parole à ceux que j'aime.

Je me sens perdue sans ma mère pour me guider, sans ma sœur à bercer, sans mon meilleur ami pour me faire rire, sans celui que j'aime pour apprendre ce qu'est l'amour, même sans Railey que je commençais vraiment à apprécier, et sans Harry pour me soutenir.