- « Ouvre grand la bouche. »
Je m'exécute machinalement en ouvrant la bouche tout en faisant rouler ma langue tout autour de mon palais afin que l'infirmier vérifie que le médicament a bien été avalé.
- « Tu peux te rendre dans la salle principale. »
Un autre infirmier m'escorte jusque la salle principale également appelé la salle de « détente ». J'enfouis mes mains dans le fond des poches du gilet bleu au couleur du centre psychiatrique, et m'assied devant une table libre et surtout vide.
Mon regard se perd vers les personnes environnantes que je détaille les uns après les autres, moi qui n'ait jamais été bonne pour remarquer les autres. Il faut dire que maintenant je passe la majorité de mon temps à observer les autres...
Par exemple : une meurtrière de soixante quinze ans, qui a passé quinze ans derrière les barreaux, et qui a sûrement définitivement perdu la raison pour se retrouver ici est la première personne que je me mets à observer. Je n'ai pas son nom en tête, et puis même si je l'avais su je l'aurais oublié. Elle est petite de taille, le crâne presque vide seulement peuplé de fins cheveux gris qui tiennent étrangement. Elle a des yeux bleus et vitreux, un regard vide. Enfin comme toutes les personnes ici, je me demande si moi aussi je possède ce regard.
Enfin bref, la meurtrière joue tranquillement aux cartes avec son éternel partenaire de jeu, d'ailleurs elle triche constamment mais lui ne semble pas le voir. A ce qu'il parait elle aurait tué toute sa famille : mari, unique soeur, enfants et petits-enfants dans un grand incendie après leur avoir chacun tiré trois balles : deux entre les yeux et la dernière dans le coeur.
Son partenaire quant à lui est un homme trois fois plus jeune, paranoïaque d'après les dires des infirmiers. Il est sous traitement et dépendant à pas mal de médicaments. Il s'automutile, s'autoflagelle et d'autres sévices lorsqu'il n'aurait pas sa dose. Il est aussi agressif et a donc tué (non intentionnellement d'après lui), mais volontairement d'après le jugement de la cour d'assise, deux jeunes filles sortant d'une boîte de nuit, car il était en manque de crack. Pas fameux non. Mais il reste une personne intéressante à analyser.
Et enfin je pose mon regard sur mon dernier objet d'observation : Lucinda Merveille. Et je crois qu'elle est ma préférée. Cette femme est une menteuse et une manipulatrice hors pair. Elle a d'ailleurs réussi à s'échapper à maintes reprises d'ici tout en soudoyant les infirmiers, les gardes et même un psychiatre. D'après les infirmiers elle souffrirait (ou pas d'après elle), d'un trouble dissociatif de l'identité. Un infirmier a même donné la référence d'un personnage de film qui serait atteint de la même maladie, je crois que le film s'appelait: Split, enfin je ne m'en rappelle plus trop.
En bref Lucinda est une énigme passionnante à observer. Elle est toujours à la recherche de mille et une fourberies et le plus drôle c'est qu'elle croit pertinemment à ces différentes personnalités. Et pour avoir étudié plus de trois ans le cerveau humain, ce dernier est remplit de plusieurs facettes tout aussi surprenantes les unes que les autres.