Doutes - partie 3

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IRFAN

Tandis qu'un ridicule vouivron sautillait lamentablement vers le jeune nïrsslya, un grondement sourd fit vibrer les alentours.

Hatun blêmit.

Les dragons s'étaient-ils éveillés ?

Le cœur au bord de l'explosion, le monarque scruta le ciel. Un plafond de bleu sans blancheur cotonneuse les surplombait, quand une ombre massive entacha sa clarté.

Une bête ailée à la carrure grandiose.

Un lézard de muscles et d'écailles dont les ailes soulevaient des tempêtes.

Un monstre à la tête massive et aux yeux injectés de sang.

Mais une créature qui ne comptait qu'une seule et unique paire de pattes.

Une vouivre, pas un dragon, se rassura Hatun

Le cœur aux aboies, il ne parvenaient guère à se réjouir de cette réalité. Bien qu'il s'agît d'un simple reptile volant, et non d'un dieu, son envergure en faisait un terrible adversaire. Un être taillé pour la guerre que le jeune nïrsslya semblait contrôler du haut de ses onze hivers...

Même sans dragon, ce gamin ne cessera d'être un problème.

Laisser les années doucement couler pour convaincre Edka de lui confier les corps des dragons devenait une idée précaire. Les Askaziens jouiraient d'un duo de bêtes redoutables que ni la magie des firuls ni les montures des lysceurs ne sauraient repousser. S'ils n'en comptaient pas davantage que ces deux-là...

— Mes excuses seigneur Hatun, souffla Ahédan qui les invita à reculer. Ader ne laisse personne approcher son petit, hormis mon fils qui ne saisit pas le privilège dont il jouit.

Une bonne nouvelle en soit. Cela signifiait que cette vouivre et sa descendance resteraient un danger seulement tant que le nïrsslya vivrait. D'un autre côté, Noithcœur s'était essayé à l'assassinat du jeune Ryrn... et tous connaissaient le sort qui le faucha avec son royaume.

Les dragons n'étaient plus, mais il valait mieux rester prudent. D'autres monstres se tapissaient dans l'ombre de l'enfant. Néanmoins, une solution semblait se profiler en la personne du sarpïein. Son intérêt pour le nïrsslya, qui brillait d'une flamme loin des convenances, pourrait probablement être user en toute discrétion. Ces magiciens restaient une patrie neutre dont on ne pourrait pas accuser les Hatun pour leur méfait.

Il restait à s'assurer que les intentions de Vess se trouvaient bel et bien inconvenantes, et non qu'il nourrissait un attachement qui menaçait de muer en admiration. Après tout, ces lézards nourrissait une vénération à la limite du raisonnable envers leurs prétendus cousins des cieux.

— J'espère votre contrat avec les sarpïeins établi sur des bases solides, siffla Edka qui n'était non plus dupe de l'étrange brasier qui crépitait dans les prunelles d'azur du lézard.

— Ne vous inquiétez pas, lui assura Irfan dans un sourire à la joie non feinte. Ces magiciens vénèrent de trop les dragons pour oser porter att...

— Seigneur des cieux, l'âme de votre fils brille de la magie des dragons, le coupa Vess sans vergogne.

Hatun n'apprécia guère son culot, mais il se contenta d'un léger froncement de sourcil.

— Puis-je l'examiner avant d'en aller voir l'état de mes cousins ailés ? s'enquit le magicien dont le regard fixait Ryrn sans sembler capable de s'en détourner.

— Cela ne sera pas nécessaire, trancha Edka. Nous savons qu'un fragment d'âme du tout puissant Ixen s'est accroché au cœur de mon fils.

— Accroché, certes, mais peut-être est-ce bien plus ?

— Qu'insinuez-vous ?

— Je ne peux prendre le risque d'épiloguer à ce sujet sans être certain de mes conjectures.

Hatun se retint de pouffer face à cette audace sans borne derrière laquelle se pavanait ces lézards.

— Vous êtes censé être une aide amenée par notre invité, et non un prophète de mauvaises augures, grogna Ahédan. Précisez vos pensées ou bien abstenez-vous de proférer des menaces pour gagner le droit de traiter mon fils tel un cobaye.

— Vous vous méprenez, seigneur des cieux. Il ne s'agit pas de curiosité intellectuelle. Mais je ne voudrais pas vous affoler en dévoilant mes craintes vis-à-vis de ce lien d'âme. Cela pourrait être perçu comme une menace pour vous forcer à me laisser examiner votre fils.

Quelle langue de serpent...

Vess ne demeurait pas le protégé d'un des hauts placés de Joubann pour ses seules connaissances magiques. Il était aussi une vipère digne des plus retors de son peuple.

— Alors vous feriez mieux de vous taire, trancha Edka. Quelques soient vos « craintes », je ne laisserai pas mon fils entre les mains des créateurs de ces tatouages qui transforment n'importe qui en esclave dévoué.

Il détestait ce commerce de vie qui soutenait l'économie rüdienne. Pourtant, le seigneur askazien n'avait pas rechigné à s'allier avec eux, ni même à garder deux esclaves au côté de son héritier, sous prétexte qu'il leur offrait une meilleure vie chez eux.

La première n'était qu'une gosse des rues, en revanche, il devait se méfier du second dont il ignorait l'origine. Un ailouran adulte à la provenance douteuse...

Mon espion aura tôt fait de tirer le voile sur son utilité.

Si Irfan affectionnait autant les esclaves, cela ne relevait pas seulement des charmes exotiques dont il pouvait jouir, mais aussi de l'arsenal sans faille qu'ils prodiguaient dans le travail des ombres. Un espion qu'il pouvait former à coups de fouet, qui restait incapable de le trahir et qui mourrait sans risquer de dévoiler le nom de son maître en cas d'échec.

***

Un petit POV dans le chapitre "doutes". ;)

 ;)

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Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant