RYRN
La matinée s'écoula, monotone, et s'étira sur une après-midi tout aussi ennuyante. Le bras droit en écharpe, il restait difficile de me nourrir, alors s'occuper l'esprit relevait du miracle. Mais l'espoir d'un peu d'animation pointa son nez, alors que je m'endormais sur une table de la salle commune, en l'arrivée d'un archiviste et de Gluiz. Le chevaucheur me connaissait peu, mais moi, je ne l'avais pas oublié du temps d'Erich de Velt. Un homme souriant et attentionné dont on ne l'imaginait guère chef des chevaucheurs au premier regard. Pourtant, dès qu'il marchait auprès de ses hommes et de ses bêtes, une aura charismatique enveloppait.
Des ondes fortes qui faisaient clairement défaut en cet instant, alors que ses prunelles caramel brillaient d'impatience, vissées su ma personne.
— Je suis Ranon, le maître archiviste de Rodürz, se présenta l'homme au teint pâle. Vous connaissez certainement maître Gluiz ?
J'acquiesçai comme le chevaucheur s'attablait déjà en face de moi.
— Je n'en reviens pas que vous ayez découvert une nouvelle espèce ! clama-t-il, son visage illuminé d'un enthousiasme aveuglant.
Ranon se racla la gorge, histoire d'attirer l'attention. Avec sa bure aussi sobre que des peaux vierges et sa silhouette de gringalet, il lui était difficile de s'imposer au côté d'un chevaucheur en tenue de travail.
— Pour l'heure, rien n'est sûr, trancha-t-il en prenant place à notre table. Les maigres indications fournies par la missive d'une lamia étaient très concises. Il serait plus prudent d'en discuter avant d'émettre des hypothèses erronées.
On ne doit pas rire souvent avec celui-là, pensai-je, un brin déçu que mon unique source de distraction se révélât si coincée.
Je lui relatai dans les moindres détails mes souvenirs des créatures, de leur silhouette de chouette aux ailes de chauve-souris, aux deux cornes qui hérissaient leurs joues telles des crocs colossaux, en terminant par leur envergure égalant sans mal celle d'une vouivre adulte. Gluiz m'écoutait avec les yeux pétillants d'un enfant, tandis que Ranon feuilletait son manuscrit plus lourd qu'une hache de métal.
— Étrange, souffla-t-il. Ces créatures ne sont pas du tout adaptées pour le froid.
— Vous savez ce qu'elles sont ? soufflai-je.
Il acquiesça et me dévoila une page de son livre.
— D'après les informations que nous avons échangées avec nos alliés ces dernières années, ces noctuas viendraient de l'est. D'une péninsule à la frontière entre Klar, le royaume des lysceurs ennemis aux merfolks, et d'un désert brûlant. Leur plumage change selon la saison, allant du blanc pendant la période froide quand il se camoufle sur les étendues salines de Klar, et basculant sur le fauve quand ils s'en vont pour le désert.
— Une migration n'aurait jamais poussé des bêtes à s'éloigner autant de leurs deux lieux de vie, nota Gluiz.
— J'avais eu espoir que vous démontiez ce soupçon. Car si ces créatures n'ont pu venir chez nous naturellement, comment y sont-elles parvenues au risque de tuer notre nïrsslya ?
Je me fis violence pour conserver un air de façade, tandis que mon cœur s'emballait. Père avait été clair, il désirait garder secret le complot en marche pour lui voler dans les plumes avec fracas. Comment allais-je éviter que ces deux-là se posent trop de questions sur la présence de ces bêtes ?
— Peut-être est-ce une manœuvre des ennemis des merfolks ? souffla Garm dans les esprits de tous. Depuis le temps, ils ont du découvrir que les dragons les avaient dupés sous forme de faux Dieu pour repousser leur attaque d'une frontière merfolk.
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Prince et Dragon - Tome 3 : Nyrsslïa
Fantasy*histoire illustrée* Une guerre silencieuse étend son ombre vers Askaz, tandis que les dragons ne sont plus. Malgré l'absence d'Ixen, dont Ryrn connait à présent les raisons d'une amitié si profonde, le jeune guerrier n'est pas seul. Son père re...