Prince et Dragon - Tome 3 : Nyrsslïa

De l'âme aux pensées - partie 3

RYRN

Une heure s'écoula quand un guerrier revint enfin en compagnie du sarpïein. De sa robe typique des magiciens et de son capuchon ne dépassait que ses membres griffus et son museau écailleux. Une langue fourchue en surgit pour vibrer l'espace d'un instant à l'air libre. Cela faisait maintenant de longues minutes que ses mains pourvues de halos bleuâtres se lovaient autour de l'épaule de Dastan.

— Est-ce vraiment un enfant de onze hivers qui a causé pareils dégâts ? s'enquit-il finalement en relevant le museau vers Hatun et mon père.

— Sa hache, plus exactement, siffla Ahédan.

Le sarpïein ne releva pas, mais je surpris ses iris couleur lagon me zyeuter avant d'en revenir au prince.

— Éliminer les esquilles et remodeler la tête de l'os réduite en miettes ne sera pas une mince affaire. Un temps de repos sera aussi indispensable pour solidifier mon intervention. La magie peut réparer, mais dans une certaine mesure.

Je la pensais pourtant maîtresse de tout à voir Ixen et sa fratrie.

— Les dragons ne sont guère un exemple en matière de choses habituelles, intervint le barghest.

Tu es mal placé pour dire cela alors que tu peux littéralement ressusciter les tiens avec vos réserves de magie.

Je sentis Garm renifler, non pas de frustration, mais d'amusement face à ma réplique.

— Maître Ahédan, nous allons vous laisser, clama Irfan tandis que Dastan et le magicien se relevaient. Je crains que les soins pour le prince soient longs et durent jusqu'au soir.

— Je comprends, opina mon père. N'hésitez pas à m'envoyer un messager si vous avez besoin de quoi que se soit.

Les deux hommes s'échangèrent une poignée de main, tandis que le sarpïein me coula un regard. Un sourire malicieux creusa ses lèvres écailleuses, dissimulé aux curieux par le prince Dastan qui s'appuyait sans honte au magicien.

— Les fragments accrochés à votre âme vous joueraient-ils des tours pour déployer une telle force ? me glissa-t-il discrètement en me dépassant.

Irfan sur les talons, je m'interdis de répliquer. Pourtant, l'envie de le questionner crépitait d'un brasier ardent sous mon air de façade. Je savais qu'il se jouait de mes nerfs. Il restait physiquement possible de briser de la sorte un bouclier d'entraînement avec une hache de guerre en bois.

Enfin... il me semble.

— Vous « étiez » sûr, me nargua Garm.

À ta place, je ne rirais pas, grognai-je intérieurement. Si ce sarpïein me trompe et que je finis esclave, tu seras tout autant bloqué !

— Vous dites cela à cause des mots de Listair, mais je ne suis pas comme lui.

Je me figeai, tandis que les alentours de l'arène s'éclaircissaient doucement au fil des badinages des spectateurs.

Qu'insinues-tu ? m'enquis-je anxieux.

Prétendait-il que si je venais à me faire berner, il m'abandonnerait ? Puisque contrairement à l'ailouran, aucune marque ne le retenait à mes côtés.

— Je pensais ma confiance acquise, jeune maître, soupira le barghest. Je ne suis pas un corniaud qui fuit la queue entre les jambes quand le temps se gâte. Non. Je suis différent de votre chat bipède, quoique pas toujours sur deux jambes, du fait que je sais sentir une magie impie.