Dernier vol - partie 1

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RYRN


Le lendemain matin, Laurn et Nessa se trouvaient déjà sur le pied de guerre quand je me présentai dans la salle commune du Darakan. Le prince s'affichait dans la tenue typique des cavaliers dorsükiens avec son pantalon trop serré et ses bottes qui remontaient jusqu'aux genoux. J'avais toujours trouvé cet attirail fort disgracieux et inconfortable. De son côté, Nessa restait fidèle aux ordres de leur père dans sa robe d'étoffe au bleu denim du royaume Velt.

— Vos mets sont délicieux, clama Laurn comme je les saluai. Je ne saurais dire ce que j'ai préféré entre ce lait de Namrid et ces pâtisseries sucrées ! Je serais d'ailleurs fort curieux de voir ces fameux Namrids. Après vos vouivres, bien entendu.

Et moi, j'aurais apprécié de prendre mon petit-déjeuner... mais cela semblait compromis. Le prince paraissait croire que j'apparaissais après m'être sustenté de mon côté, décidé à rejoindre les nids de nos bêtes au pas de course. Je me résignai à ne rien en dire. Après tout, j'avais l'habitude de sauter des repas pour traiter les urgences. Et il me tardait de voir comment mon ancien petit frère allait se débrouiller sur nos vouivres.

Je devrais prendre soin qu'il ne se blesse pas, mais cela promettait d'être drôle.

Néanmoins, pour chevaucher une bête, il fallait parvenir jusqu'à son nid... et j'avais oublié que les nobles Dorsükiens n'étaient guère habitués à marcher. Ils comptaient calèches ou chevaux d'apparats pour leurs déplacements, courts comme longs.

Les premières minutes tirèrent des mimiques douloureuses à Nessa dont les souliers, finement ornés, ne protégeaient guère ses pieds des petits cailloux qui jalonnaient les sentiers creusés dans la roche. Son frère se montra à son tour plus frileux quand vinrent les ponts suspendus qui sautaient par-dessus les ravins.

— Vous auriez dû faire venir des vouivres sur le Darakan, souffla Garm.

J'y avais pensé, mais la place s'y faisait trop étroite pour l'entraînement de novices. Ce n'était pas pour rien que les Askaziens amenaient leur enfant au pic des vouivres. Les rares qui avaient tenté l'aventure proche de chez eux avaient connu des incidents allant du petit dégât matériel à l'incendie. Le plus connu restait l'accident avec une vouivre à toxine dont le souffle avait rongé la roche et provoqué un éboulement, balayant deux quartiers et leurs occupants. Cohabiter et dresser de telles bêtes demandaient certaines précautions... que mon peuple avait appris à ses dépens.

— Est-ce encore loin ? s'enquit Laurn à bout de souffle.

Je pinçai les lèvres et levai les yeux vers le pic. Nous venions de traverser le dernier pont qui s'arrimait au pied de la falaise, devant un escalier tantôt de bois, tantôt de roche taillée.

— Il faut gravir le sommet, comprit Nessa qui me foudroyait de ses prunelles caramel.

— Nous sommes proches du bout, tentai-je de les encourager. Et nous n'avons pas besoin d'aller jusqu'au sommet. Les vouivres réservées à l'entraînement sont sur le premier plateau.

— Et combien d'escaliers pour y parvenir ? me glissa Nessa, acerbe, qui me dépassa.

— Il n'y a qu'un seul et unique escalier qui gravit le mont.

La demoiselle me foudroya d'un regard assassin, guère amusée par ma plaisanterie. Je lui adressai un sourire en coin, mais rien qui ne la dérida. Elle avait toujours eu horreur de marcher...

Les derniers pas furent les plus durs, mais dès que l'horizon s'ouvrit sur le nid des premières vouivres, les enfants Velt furent soudain pris d'un regain de vitalité. Nessa redressa le torse, tandis que Laurn la dépassa à grandes enjambées.

Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant