De l'âme aux pensées - partie 2

50 15 49
                                    

RYRN

Située sur l'un des ponts supérieurs du Darakan, l'arène d'entraînement n'en restait pas moins vaste. De planche et de fer, elle était rompue à toutes activités. Duels, révisions tactiques pour les groupes de guerriers équipés, mais aussi étape de début et de fin pour les courses de vouivres. Les Askaziens étaient d'ailleurs friands de ces évènements. Ils servaient tout autant le chevaucheur, pour s'afficher tel un maître, mais aussi les bêtes dont les meilleures devenaient des reproducteurs convoités. Des mâles qui verraient défiler les concubines au point de s'en lasser.

Mon cœur balançait entre dégoût et un brin de jalousie, quand des éclats des voix attirèrent mon attention. Les guerriers askaziens se réjouissaient de me voir arriver en compagnie d'Ailla. Derrière eux, Dastan effaça son sourire bravache sous un air plus sombre. Irfan et mon père semblaient quant à eux inintéressés, échangeant sur un sujet pour lequel le seigneur Hatun était fort loquace.

Ce fourbe doit être encore en train d'amadouer père.

Frustré, j'étais bien décidé à écraser son fils et clamer que les Askaziens étaient bien assez forts pour se débrouiller par eux-mêmes !

— Votre père sera colère, ricana Garm.

Nul besoin de me le dire. Je le savais pertinemment. Mais le voir manger dans la main d'Irfan m'horripilait ! Depuis quand était-il devenu un idiot trop prompt à accepter sa confiance ?

— Il n'a jamais été quelqu'un de vraiment méfiant, nota le barghest. Sinon il n'aurait jamais accepté de faire d'Erich de Velt un de ses guerriers durant la guerre que Lazrie a effacée.

— Certes, grommelai-je.

Les nerfs à vif, autant à cause d'Irfan que de la réalité soulevée par Garm, j'empoignai la hampe d'une hache et m'avançai vers le jeune Hatun.

— J'ai ouï dire que vous me défiez en duel, prince Dastan.

Il renifla, mais n'osa pas me contredire. Son regard d'eau claire balançait de visage en visage, lisant sans le moindre doute l'attente des Askaziens quant à notre combat. Avec un tel spectacle, il n'était guère surprenant que certains peuples nous confondent avec des barbares. Contempler des hommes d'âges mûrs, à la carrure d'armoires, qui trépignaient d'impatience devant le combat d'un enfant de onze hivers et d'un fil de fer tout juste majeur restait tout sauf sain.

Pour ma part, je sentais mon cœur bouillir ! Si Ixen était là, pour sûr qu'il m'inciterait à estropier le jeune prince.

À quel moment était-il devenu si sauvage ? Quand l'étais-je moi-même devenu ? Sa présence en moins, le monde me semblait étrangement différent au fil des ans... pourtant, l'empreinte du dragon persistait. Listair avait ri de mes mots, mais ils n'en restaient pas moins réels.

— Une hache pour un duel, persifla Dastan.

Un air narquois éclairant à nouveau ses traits, il dépassa l'enceinte de bois et se cambra en bord d'arène. Une épée courte à sa droite et un bouclier à sa gauche, il débordait de confiance. Certes, la hache de guerre restait loin d'être l'arme de prédilection pour les duels, mais Hatun semblait oublier que cette lame massive se logeait dans le cœur des Askaziens. Elle détrônait depuis des générations toutes autres formes d'équipements au point d'en établir un style de combat qui se pliait contre vents et marées. Les colosses de muscles comme les chevaucheurs la maniaient avec une agilité et une puissance implacables !

— Souciez-vous de votre posture, plutôt que de mon arme, sifflai-je, l'air sombre.

Dastan renifla et leva son bouclier. Un rond de bois à l'envergure ridicule qui ne résisterait pas à plus de deux assauts de hache. Le prince rüdien comptait sur sa rapidité pour achever ce duel... ou bien il jaugeait très mal les forces de son adversaire.

Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant