Nouvelle danse - partie 2

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RYRN


Enveloppé dans une tenue complexe, de cuirs et de tissus damassés, qui ne laissait paraître que mes bras et ma tête, j'étais fin prêt. Ma chambre paraissait impeccable, tant que personne ne fouillait derrière le paravent qui cachait ma couche du grand salon. Heureusement, mère n'avait jeté qu'un rapide coup d'œil depuis le seuil d'entrée... contrairement à ma sœur qui avait découvert le pot aux roses dès que Lévana fut partie.

Dans sa robe étincelante en écailles de vouivre, typique des tenues cérémonielles en Askaz, elle était sublime, son petit air espiègle lui conférant des airs de princesse de pouvoir. Et elle détenait bien la force de faire de moi son larbin sous la menace, non exprimée, de me dénoncer à mère si je ne me pliais pas à ses désirs.

— Ne fais pas cette tête, me glissa-t-elle, tandis que nous attendions de pied ferme l'arrivée des Velt sur le pont du Darakan. Je ne vais pas t'embêter ce soir.

Mais elle comptait bien me traîner une dette sur le dos.

J'effaçai ma grimace derrière un sourire de façade comme un hénavard approchait de l'aéronef. Sous cette lune à la rondeur parfaite, les peintures festives qui décoraient sa peau luisaient d'une dorure éclatante. La bête se posa, suivit par une escadrille de quatre chevaucheurs. Gluiz leur ordonna de s'écarter avant de sauter de l'hénavard. Il ne fallait pas qu'un de ces reptiles, parfois un peu trop agités, effrayât un membre de la famille royale avec leur jet de flammes. Tournée vers le ciel pour saluer autrui, leur manœuvre restait agressive pour ceux qui ne la connaissaient pas.

Je réprimai un sourire en imaginant Laurn crier d'effroi, tandis que Rian sortait de l'habitacle de l'hénavard. Son regard glacial souffla la maigre hilarité qui avait poussé dans mon esprit. À sa suite, le visage chaleureux d'Ennris me ramena un peu de baume au cœur, bien que sa présence me happait de nostalgie au souvenir des bons moments passés avec Ixen, en tant qu'Erich de Velt. Et mon âme de prince frissonna dès que j'aperçus Laurn. Il arborait sans honte un air arrogant qui examinait les alentours.

Il doit être bien heureux dans cette vie vue qu'il n'a plus de grand frère à empoisonner pour lui voler sa couronne, maugréai-je, un vent de colère soufflant sur mon cœur.

Mais comme avec Ennris pour Rian, la mélancolie reprit le dessus quand je croisais les prunelles brillantes de Nessa. Elle était exactement comme dans mes souvenirs. Belle, le regard impérieux et le port assuré malgré ses frêles épaules de jeune princesse.

Prends garde de ne pas te montrer familier, me rappelai-je tandis qu'elle fronçait le nez devant mon regard insistant. Elle ne te connaît pas.

Ces dernières pensées me firent l'effet du coup de poignard de Roland en plein cœur.

— Bienvenue à Dorsük, clama mon père qui échangea une poignée de main avec Rian.

— Votre château est époustouflant, admit celui que je confondais avec mon géniteur, quelques années plus tôt. Bien que le terme ne lui sied guère.

— Nous le nommons Darakan.

— Comment une telle chose lévite-t-elle ? s'enquit Ennris, le regard étincelant de curiosité. Peut-il bouger ?

— Je crains de ne pouvoir vous répondre. Personne ne le sait.

Le magicien opina du chef, une main lissant sa barbe grise. J'étais certain qu'il tenterait d'élucider la question durant son séjour.

— Je vous présente mon fils, Laurn, et ma fille, Nessa. Je pensais que mes enfants avaient bien grandi, mais je constate que Ryrn est devenu un homme. Il devenait temps de faire cette cérémonie de passage.

Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant