Réflexions - partie 2

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RYRN


Les jours défilèrent et les Hatun s'en retournèrent vers leurs terres de sables et de canyons. Grâce à Vess, ils n'avaient plus grand intérêt à rester. Tant que les arches de Falotard ne seraient pas calibrées, ils ne pourraient motiver Ahédan à envoyer les dragons par delà les mers. Ce délai restait d'ailleurs un point noir qui ne convenait guère à père.

Au soir du départ des Hatun, il échangeait déjà sur le sujet avec Markhar. Pensant probablement les Askaziens à la beuverie habituelle du dîner, ils discutaient sans se soucier du battant entrebâillé à l'entrée du bureau. Je ne venais pas écouter aux portes, simplement désireux de discuter avec mon père, mais je ne leur fis pas l'affront de les couper.

— Une manière de ne pas culpabiliser à jouer les apprentis espions, pouffa Garm.

Je laissai le barghest se payer ma tête sans broncher.

— Hatun semblait soucieux de ce contretemps, nota Markhar.

— J'ai remarqué, lui assura mon père. Mais je ne vais pas cracher sur son aide. Même si je crains qu'il faille trouver une autre solution que Falotard. Je n'ai pas confiance en ce peuple. Je n'ose même pas imaginer ce qu'ils demanderont en échange de leur aide.

— Les lamias et les guérisseuses ont fait tout ce qu'elles pouvaient. Nous n'avons pas vraiment d'autres choix que de confier nos dieux dragons aux sarpïeins.

— Il reste Ennris.

Je vis le dos de Markhar se tendre, le temps d'un court silence.

— Je doute que ce vieil homme, aussi bon soit-il, puisse avoir une solution qui surpasse celle de tout un peuple qui baigne dans la magie.

— Nous n'avons rien à perdre à lui demander, soupira mon père. D'autant plus que Rian m'a fait parvenir une missive.

— Je comprends mieux la présence de l'étrange rapace que j'ai vu à la volière des dresseurs. Il claquait du bec sans se démonter face aux griffons. Aussi combatif et courageux que ses maîtres Velt, plaisanta le colosse.

Sa remarque tira un sourire à mon père, qui s'effaça prestement derrière un air plus sombre.

— Rian souhaiterait présenter sa fille à Svein.

— Ce maudit mariage arrangé que tu as conclu à la naissance de l'alliance, renifla Markhar. Mais Svein est un peu jeune pour être présenté à cette prétendue future épouse.

— Nous en avons conclu de même avec Rian. Sa fille aussi a apparemment un caractère encore... « mal approprié » pour une demoiselle à marier.

— À vendre, tu veux dire.

— Markhar, grommela mon père. Je sais que ça va à l'encontre de nos coutumes, mais c'était nécessaire pour protéger Askaz ! Nous en avons discuté déjà des milliers de fois. Si nous ne nous étions pas alliés aux Velt, Noithcœur l'aurait fait pour nous détruire. Tu as vu les dégâts causés par un homme avec peu de pouvoir ? Imagine ce dont il aurait été capable avec la puissance militaire des Velt !

— J'ai surtout vu les dégâts causés par nos dieux qui ont bourlingué dans tout l'archipel pour te suivre.

— Serais-tu en train de m'accuser de mauvaise gestion ? D'être un mauvais maître d'Askaz ?

Le Caranis soupira bruyamment. Bien assez fort pour que je l'entende de l'entrée du bureau.

— Ne joue pas à ça avec moi, mon vieil ami. Tu sais que tu as commis des erreurs. Tu me l'as eu toi-même avoué quand tu étais au plus bas. Tu n'aurais jamais dû viser les Hatun, ces esclavagistes sans morale. Et encore moins accepter d'envoyer nos dieux, sous couvert de fausses identités, pour attaquer un peuple dont nous ne connaissions même pas l'existence. Tout ça pour s'accrocher à un énième allié, que tu as vendu en échange des bonnes grâces d'Irfan.

Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant