30 | overcommitted

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ESTHER

22:41

Inspire, expire.

Inspire, expire.

Inspire, expire, tout va bien aller.

J'essuie une larme, la dernière de la soirée pour moi – je me le suis promis il y a quelques minutes. Dans le rétroviseur intérieur, le chauffeur de taxi me lance un drôle de regard. J'imagine qu'à lui aussi, je lui fais pitié.

Les doigts tremblants, je sors mon poudrier de mon sac à main et rectifie mon teint à l'aide du petit miroir. Je suis habituée à me préparer en voiture pour les shootings mais cette fois, l'émotion m'empêche de me concentrer.

Je ne pensais pas que Cléo était du genre à me balancer mes quatre vérités au visage pendant une dispute. J'imaginais plutôt qu'il serait de ceux qui boudent en silence, qui restent dans leur coin et qu'on amadoue avec des bisous pour tenter de se réconcilier. C'est d'ailleurs pour ça que je suis rentrée plus tôt de la soirée ; je pensais le rejoindre au lit et profiter de passer un moment avec lui pour discuter de tout ça avant que les filles n'arrivent. J'ai prétendu avoir la nausée pour m'éclipser et ai laissé Miranda et Adèle près de la machine à barbe à papa avant de m'éloigner.

Seulement, je n'avais pas prévu qu'il me recevrait de cette façon. Quand il s'est énervé, je l'ai trouvé gamin et puéril de réagir ainsi. En revanche, maintenant que plusieurs dizaines de minutes se sont écoulées, je commence surtout à culpabiliser.

Cléo a raison... sur à peu près tout, en fait. J'aurais dû lui parler de ma rencontre avec Maël et même lui proposer de m'accompagner à cette fête. Je pensais que je ne le faisais pas car je ne voulais pas qu'il s'ennuie mais en réalité, ce n'était qu'un prétexte. La vérité, c'est que je ne voulais pas qu'il vienne pour que je puisse avoir le champ libre avec Maël.

Attention, je n'ai rien tenté avec lui et n'aurais jamais rien tenté avec lui ; mais je crois que j'avais besoin d'une soirée pour le regarder de loin. Je l'ai aimé et même si cet amour s'effrite de jour en jour, j'avais envie de voir par moi-même s'il était réellement en train de devenir cette nouvelle version qu'il m'a exposé l'autre jour.

Tandis que le chauffeur se gare de nouveau devant le lieu de la soirée, je le remercie et lui tends un billet. Quand il le récupère, il me lance, pince-sans-rire :

— Vous allez me rappeler d'ici trente minutes ou je peux m'en aller pour de bon, cette fois ?

Les joues brûlantes de honte, je secoue la tête.

— Non. Cette fois, je reste.

Sur ce, je quitte la voiture et claque la portière. Je ne savais pas quoi faire à part revenir ici et rejoindre Miranda et Adèle. Aller me coucher n'était même pas une option et j'avais des larmes à laisser couler bruyamment mais la salle de bains est trop proche de la chambre de Cléo. Au moins, là, j'ai pu tout évacuer.

En fait, j'ai même tellement évacué que mon ventre se tord de douleur à l'idée d'avoir peut-être perdu Cléo. Je n'aurais jamais cru m'attacher autant à notre relation, à notre routine, à notre complicité. Depuis des semaines, j'attendais tous les jours le moment où j'allais enfin le retrouver.

Le cœur retourné, je compose son numéro et porte le combiné à mon oreille tout en m'approchant de la porte d'entrée. Cela sonne dans le vide, jusqu'à ce que je tombe sur sa messagerie. Comme je m'y attendais, il ne m'a pas répondu.

Je n'aurais pas cru que ça me blesserait autant.

— Salut, euh, c'est Esther, balbutié-je dans le téléphone lorsque je peux enfin laisser un message. Je me doute que tu n'as pas du tout envie de me parler en ce moment et, euh, je...

OVEREXPOSEDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant