CLÉO
00:48
J'ai brisé le cœur d'Esther.
S'il y a bien une phrase que je n'aurais jamais pensé prononcer une fois dans ma vie, c'est celle-ci. Si j'avais dû parier sur qui blesserait l'autre en premier je crois que j'aurais parié sur elle sans hésiter. J'ai développé des sentiments pour Esther si vite que j'ai toujours cru que c'est elle qui mettrait un terme à tout ça et me ferait du mal. Visiblement, j'avais tort.
Depuis qu'elle est partie l'autre soir, c'est silence radio. Ça fait maintenant une semaine qu'elle a claqué la porte de l'appartement et depuis, elle ne l'a pas rouverte une seule fois. Je n'ai pas quitté le salon pour m'en assurer et surtout, être là si jamais elle revenait.
Elle ne l'a pas fait.
Depuis, je ne dors plus. Je ne mange plus. Je ne fais que pleurer. J'ai l'impression d'être devenu un robot étouffé par la culpabilité, incapable de fonctionner sans elle.
Cléo : Je ne sais pas quoi faire pour que tu me pardonnes.
Cléo : Reviens, s'il te plaît.
Je fixe l'écran de mon portable, tordu de douleur à cause de la situation. J'hésite un instant à lui envoyer mais, comme chacun des textos que je lui écris, je finis toujours par craquer et les lui envoyer. Elle ne me répond jamais.
Cette fois, à peine le message envoyé, je reçois une notification. Une vague d'espoir me heurte de plein fouet...
... Avant que je n'aperçoive la mention « non distribué ». Bon.
Déprimé, je rappuie sur « envoyer ». Une fois de plus, la même notification s'affiche. Après une troisième tentative, je dois me rendre à l'évidence : Esther a bloqué mon numéro.
C'est bel et bien fini, alors.
— Cléo ?
Je sursaute en entendant mon prénom et me retourne péniblement. Dans l'entrée de ma chambre, Adèle me lance un drôle de regard.
— Tu ne dors toujours pas ? demande-t-elle.
Sa voix est douce et teintée d'inquiétude. Avec ses petites tresses châtain, son pyjama et ses pieds nus sur le parquet, elle fait plus jeune. Je la revois soudain à six ans entrer dans ma chambre en pleine nuit parce qu'elle avait fait un cauchemar.
Je faisais mine de détester ça mais au fond, c'étaient mes moments préférés.
— Si si, je suis somnambule.
Mon ironie crève les yeux et clairement, ma sœur ne passe pas à côté. Pour autant, elle ne s'en formalise pas et ose même avancer jusqu'au canapé pour me dire :
— Tu ne veux pas revenir dans la chambre ? Tu dormirais mieux.
Je secoue la tête de gauche à droite. Grâce à la lumière de mon téléphone, j'aperçois mon reflet dans la vitre derrière ma sœur... et honnêtement, je fais peur à voir. Même dans la semi-obscurité j'arrive à apercevoir le teint blafard, les yeux injectés de sang et les cernes que je me traîne. On dirait un zombie.
Je fais trop pitié, putain.
— Non, ça va. Je suis bien ici.
Adèle acquiesce en se mordant la lèvre.
— OK... Fais-moi une place, alors.
Je pousse un soupir mais ne réponds rien tandis qu'elle arrive à se glisser en petite cuillère contre moi tout au bord du canapé. Je rabats la couette par-dessus nous deux et le silence s'installe un moment. Je suis loin de me sentir bien, mais c'est tout de même le moment le plus apaisant que j'ai vécu depuis des jours.
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OVEREXPOSED
Roman d'amour[Roman gagnant d'un Wattys 2023 ainsi que du Wattpad Webtoon Studio Prix du Divertissement !] Même si elle préfère le terme 'créatrice de contenus', Esther est officiellement influenceuse... et elle ne sait plus très bien si ce choix de carrière éta...