OVEREXPOSED

3 | overlooked

ESTHER

10:58

Maël et moi nous sommes embrassés.

Je sais, dit comme ça, on dirait que les choses vont extrêmement vite mais...

... bon, OK, c'est le cas. Je le connais depuis deux jours et je ne sais même pas encore quelle est sa couleur préférée, ça j'assume. Mais il me plaît réellement et je ne vois pas pourquoi je devrais attendre alors que je me sens si bien avec lui.

Évidemment, Miranda n'est pas de cet avis. Quand j'ai eu le malheur de lui raconter notre baiser au téléphone, elle a rétorqué d'une voix blasée :

— Tu me déranges dans mes révisions pour me parler de lui ? La honte.

Je lui ai fait un doigt d'honneur. Puis, je me suis rappelée qu'elle ne pouvait pas me voir à distance et lui ai dit d'aller se faire foutre, ce qui l'a poussée à répliquer :

— J'ai rien contre ce mec, tu sais. Mais je trouve que ça va super vite, votre affaire. Tu ne sais quasiment rien de lui et c'est bien beau de vous parler non-stop par messages depuis deux jours et c'est aussi très gentil de t'avoir emmenée dîner, je dis pas, mais ça ne veut pas dire grand-chose. Pour ce qu'on en sait, il pourrait tout aussi bien être un meurtrier. Ou pire : il pourrait être fan de Ben Affleck. Ou aimer les chips au vinaigre.

— Qu'est-ce que tu as contre les gens qui aiment les chips au vinaigre ? ai-je gémi, un pli barrant mon front.

Miranda a marqué une pause dramatique avant de m'achever :

— Ne me lance pas sur le sujet... on risque d'en avoir pour des heures.

Bref, Miranda n'approuve pas, mais j'ai décidé de ne pas l'écouter. Après tout, je suis la seule décisionnaire dans cette affaire.

La vérité, c'est que mettre un frein à ma relation avec Maël réduirait ma vie sociale à... rien. En dehors de lui et Lou, que j'accompagne se faire tatouer demain après-midi, je suis complètement seule à Paris. Je crois que pouvoir compter sur lui n'est pas quelque chose que je suis en mesure de refuser en ce moment, d'autant qu'il me plaît réellement. Dieu sait que ça fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi bien avec un garçon.

Je commence enfin à prendre mes marques dans l'appartement, aussi. J'ai commencé à défaire mes cartons et à m'installer dans ma chambre, que j'ai déjà décoré à mon goût avec des plantes, des toiles encadrées au mur et ma platine à vinyles posée sur la commode. Pour ce qui est du reste de l'appartement, j'ai décidé de le laisser tel quel pour l'instant et de découvrir mon quartier d'abord. J'aurais tout le temps de le personnaliser plus tard.

À la fois concentrée sur la playlist spéciale Taylor Swift qui défile dans mes écouteurs et mon mug de café brûlant que je m'efforce de ne pas renverser, je manque de trébucher sur le seuil de ma porte d'entrée en sortant.

— Idiote, marmonné-je en faisant doucement tourner ma cheville pour la détendre.

Tandis que je fais mes étirements, j'entends soudain le ding de l'ascenseur retentir au bout du couloir par-dessus ma musique. Naturellement, mes yeux tombent presque aussitôt sur l'homme qui sort de la cabine et se dirige vers moi. Je le reconnais tout de suite : c'est celui qui était au téléphone avant-hier soir quand je suis rentrée de ma soirée au bar. Visiblement, celui-ci aussi me reconnaît puisqu'il me sourit, s'arrêtant à quelques mètres de moi.

— Bonjour, dit-il, souriant. Vous habitez aussi à cet étage ?

Ça me fait bizarre d'être vouvoyée – d'autant que maintenant qu'il est près de moi, je remarque qu'on doit avoir environ le même âge. Je fais aussi attention à un nouveau détail auquel je n'avais pas réellement prêté attention l'autre fois : il est ca-non.