Chapitre 40

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           Les deux se regardèrent, chacun hésitant à parler. Qui devait poursuivre la conversation engagée ? Quel mot emprunter ?

- Merci, répondit simplement Zeik, avec ce genre de sourire qu'il savait si bien faire.

Le silence reprit.

Il y avait encore quelques personnes de présentes dans le gymnase : un peu de public, quelques joueurs de l'équipe adverse, le coach de l'université. Ce n'était sans doute pas le meilleur endroit pour avoir la conversation qui était primordiale qu'ils aient tous les deux. Pourtant, Zeik craignait que, s'ils bougent, quelque chose se brise. En venant jusqu'à lui, Ekel avait créé un petit lien, familier, agréable. Il ne voulait pas le perdre bêtement avec un mauvais mot, ou un mauvais geste.

Il était fatigué du match, collant de sueur à cause de l'effort fournit, mais il ne bougea pas. Il resta bien là, face à Ekel.

- Je suis désolé, reprit le sportif.

- Désolé de quoi ?

En réalité, Ekel connaissait la réponse, du moins, il s'en doutait. Tous autour de lui le lui avaient bien fait comprendre. Zeik était désolé de ses actes, son attitude, cette erreur que plus d'un commettait, sans forcément regretter ensuite. Lui, il regrettait.

S'il avait pu retourner en arrière, aurait-il agi différemment ? Sans doute pas. Il fallait des erreurs pour comprendre et progresser. Cela ne l'empêchait pas de vouloir se racheter.

S'il connaissait bien la réponse, il voulait l'entendre de la bouche de l'Asiatique. Par satisfaction ? Ou simplement pour être sûr ? Lui-même n'était pas vraiment certain. Un mélange des deux sans doute.

- Désolé de tout...

- Mais encore ?

À ce niveau-là, c'était peut-être de la cruauté. Ni l'un ni l'autre ne voulaient vraiment que le couteau soit remué dans la plaie. Mais Ekel avait besoin de l'entendre de sa bouche. Au moins une fois, pour mieux l'accepter et pardonner ensuite.

Zeik comprit parfaitement son petit jeu. Il détourna un instant le regard, se concentrant sur le panier de basket le plus proche de lui. Ce sport, son refuge... Non, il ne devait pas chercher à fuir et affronter pleinement Ekel. Il avait attendu ce moment trop longtemps pour qu'il dérape maintenant.

- Désolé d'avoir creusé ce fossé entre nous. Désolé de t'avoir dit que tu pouvais partir, longtemps, alors que j'avais cruellement besoin que tu restes là. Désolé d'avoir embrassé Ash, plusieurs fois et d'avoir couché avec lui. Oui, je suis désolé d'avoir douté de toi, de nous et de t'avoir fait du mal. Rien ne justifie ce que j'ai fait, mais c'est arrivé. Je ne peux pas retourner en arrière pour gommer le passé. Je ne peux qu'espérer faire mieux dans le futur.

Ekel avait-il besoin d'en entendre plus ? Pas vraiment. Mille mots n'auraient pas suffi à décrire tout ce que l'un et l'autre ressentaient et voulaient. La seule certitude c'était que l'un voulait se faire pardonner et que l'autre était prêt à accepter. Il n'était plus nécessaire de chercher à aller au-delà. Ils s'étaient déjà assez torturés.

Pour toute réponse, Ekel se contenta de prendre Zeik dans ses bras. Au vu du lieu, il se retint dans faire plus.

- Et moi je suis désolé de ne pas avoir cherché à comprendre. De t'avoir rejeté sans même discuter et d'avoir gardé le silence.

Zeik se colla un peu plus à son copain. Il était resté loin de ses bras bien trop longtemps. Retrouver cette sensation avait quelque chose de purement agréable. Il ne voulait plus bouger, rester là un temps indéfini. Il voulait rester dans cette petite bulle si confortable.

- Ne t'excuse pas. Tu n'es pas en tors.

- Tu n'es pas fautif de tout Zeik.

- J'ai commis la plus grosse erreur...

Le photographe secoua la tête.

- Oublions cette erreur. J'ai assez ruminé dessus.

- Je...

Des larmes incontrôlables montèrent aux yeux du plus jeune. Cet instant semblait inespéré. Après un silence si long, il ne pensait pas qu'il pouvait encore arriver. Malgré toute sa bonne volonté, il ne se pensait plus capable d'en arriver là.

À présent que le rêve se réalisait, qu'on lui offrait cette opportunité, il devait la saisir, choisir les mots justes, se rattraper comme il le souhaitait.

- Je te promets de ne pas recommencer. Je ne veux plus te faire de mal comme j'ai pu le faire. Même si je suis perdu, que je doute, que je suis tenté, je ne referai pas cette erreur.

Ekel ne prononça aucun mot, se contentant de sourire. Un sourire que le sportif eut du mal à interpréter ?

- Tu ne me crois pas sincère ? S'inquiéta-t-il.

- Si bien sûr que si. On m'a tellement dit que tu voulais racheter ton erreur, que tu ne peux qu'être sincère. Non... Je me disais juste que j'étais content que tu me dises ça.

Le photographe non plus ne voulait pas quitter les bras de son copain. Bien trop heureux de retrouver une sensation qu'il appréciait et chérissait. Il ne voulait pas rompre ça, pas tout de suite. Ce plaisir devait durer encore un peu.

- Pardonne-moi d'avoir mis tant de temps à réagir.

- Je comprends...

- Je n'aurais pas dû garder le silence. Cette conversation, on aurait dû l'avoir tout de suite.

- Elle n'aurait sans doute pas été la même. Tu avais besoin de temps, c'est normal.

- J'ai raté tant de choses... Moi aussi je t'ai blessé.

- C'était mérité.

- Je ne pense pas.

Zeik s'éloigna un peu de son copain, cherchant à capter les yeux de ce dernier, plonger son regard dans le sien. Lorsqu'il y parvint, il vit la même brume qu'il y avait chez lui et qui voilait le regard.

- Ne pensons plus à tout ça. On ne peut que mieux faire à présent ! Reprit l'Asiatique.

Ekel affirma d'un simple signe de tête. Il n'y avait pas de bons mots à ajouter. Il était d'accord, voilà tout ce qui contait.

- Je veux que tu rentres à la maison ce soir Ekel. Je ne veux plus dormir seul...

L'aîné passa une main dans les cheveux de Zeik. Un geste doux et réconfortant, comme il aimait en faire.

- Je vais rentrer Zeik, c'est promis. Je ne te laisse plus seul !

Il reprit le plus jeune dans ses bras, le serra fort contre lui, comme pour lui prouver ses dires. Non, il ne le laisserait plus, il ne le lâcherait plus. Zeik était sincère dans ses mots, il devait l'être lui aussi dans ses actes. Il avait eu si peur de ces retrouvailles, de ce qu'il aurait pu dire ou faire. Au final, ils n'avaient pas eu besoin d'en faire beaucoup. Chacun savait parfaitement ce qu'il voulait au fond : se retrouver l'un l'autre, autant que retrouver leur amour. Pour cela, il n'y avait pas à en dire beaucoup. Tout était dans les gestes. Ekel avait surpassé son appréhension, il était venu à ce match. Zeik lui avait montré qu'il regrettait au plus profond de son être. C'était suffisant, pour les deux.

- Je vais rentrer, reprit Ekel, dans un murmure.

Bien que doux, à peine audible, c'était sincère, Zeik le savait, ce soir, il ne dormirait pas seul. Ce soir, il retrouvait enfin celui qu'il aimait. 

Un Jour Ils Comprendront - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant