Un Jour Ils Comprendront - Tome 2

Dernier Chapitre

Zeik se regarda dans le miroir. Durant un instant, il eut l'impression de ne pas se reconnaître. Son visage était pourtant toujours le même. Il n'avait pas grandi, pas changé de coiffure non plus. Il était toujours ce sportif, ce joueur de basket encore à l'université. Alors qu'est-ce qui avait changé chez lui ?

Il se regarda une nouvelle fois dans le grand miroir. La tenue qu'il portait n'était pas habituelle. Ce costume parfaitement taillé, noir s'accordant avec la chemise blanche, et ce nœud papillon autour du cou : rien qu'il n'avait déjà mis. Il était habitué aux tenues de sport, il se préférait dans ses vêtements de basketteurs. Être là, devant ce miroir, plutôt que sur un terrain, à disputer un match, cela le terrifiait. Il n'avait pourtant aucune raison de l'être. Il avait choisi cette situation, il l'avait accepté.

- Tu devrais te détendre Zeik. Si tu restes crispé comme ça, les photos vont être affreuses !

Le japonais se retourna. Il resta un court instant sans voix. Sâme était magnifique dans sa robe. Mise à part la couleur, elle ressemblait beaucoup à celle qu'elle avait mise lors du bal du lycée, en seconde. Mais celle-là était plus belle encore : argenté, brillante, éblouissante. A croire qu'elle était la mariée. Et elle aurait pu l'être. Avec Mickey, c'était des plus sérieux et ils n'omettaient pas l'idée d'un mariage... Un jour. Pour cette soirée, ce n'était pas elle la reine. Elle n'en restait pas moins le témoin et elle prenait son rôle très à cœur. Durant les derniers mois passés, elle avait autant organisé cette journée, que les principaux concernés.

- Pourquoi j'ai l'impression que tu vas assister à un enterrement plutôt qu'à ton propre mariage ?

Zeik se retint de lâcher un soupir.

- Tu penses que j'ai fait le bon choix ? Osa-t-il demander.

- Attends, tu as des doutes ?

- Je ne sais pas.

- Ce n'est pas le moment d'avoir des doutes !

Il se tourna de nouveau vers le miroir, regardant son reflet. Ce costume lui allait à la perfection. Sâme l'avait bien aidé à choisir.

- Je crois que... j'ai peur.

Sa meilleure amie lui fit un doux sourire. Elle avait toujours ce don de parvenir à le rassurer avec un simple sourire.

- C'est normal d'avoir peur Zeik. Dans peu de temps, tu seras marié !

- Tu crois que les autres vont l'accepter ?

Elle le regarda, penchant la tête légèrement sur le côté. Elle ne comprenait pas.

- Quels autres ?

Il eut d'abord un haussement d'épaules, se voulant le plus vague possible.

- Quels autres ? Se répéta Sâme.

- Tous les autres, ceux en dehors du cercle d'amis, les gens dehors.

- Tu crois vraiment que c'est le moment de penser aux personnes fermées d'esprit ?

Zeik n'apporta aucune réponse. Pour lui, oui, c'était le moment. A chaque étape importante de sa vie, quelque chose était venu assombrir son horizon, avant de s'en sortir. Il y avait toujours eux quelqu'un, ne serait-ce qu'une personne, pour lui rappeler qu'il n'était pas toujours dans les normes. Un mariage ? Comment ça serait vu ?

- Ecoute Zeik, dans notre pays le mariage gay est autorisé. Les autres, tu ne t'en occupes pas. Aujourd'hui, c'est ta journée, alors profites en !

- Je sais, mais...

- Tu aimes Ekel ?

- Bien sûr que je l'aime, je n'aurais pas dit oui sinon !

- Alors arrête de paniquer ! Cette journée, elle est pour Ekel et toi et c'est tout ce qui compte. C'est compris ?

Ce nouveau soupir qui lui vint, il ne put le retenir. Pas cette fois.

- C'est plus facile à dire qu'à faire.

Sâme lui fit un pâle sourire. Elle comprenait. En vérité, elle était la mieux placé pour cela.

- Tu sais, dans la salle qu'on a mis pratiquement une journée à décorer, il n'y a pas qu'Ekel qui t'attend. Il y aussi ta mère. Vous avez traversé beaucoup d'épreuves tous les deux. Je ne dis pas que tu dois te marier pour elle. Mais crois-moi, elle est vraiment heureuse de voir son fils se marier, peu importe avec qui. Ça, ce n'est pas rien ! Je pense que c'est la plus belle chose à retenir aujourd'hui. Alors je ne veux plus te voir hésiter parce qu'il n'y a aucune hésitation à avoir. Ce mariage va être magnifique.

Elle regarda son meilleur ami de haut en bas.

- Et tu es magnifique ! Ce costume te vas à merveille. Alors tu me fais ton plus beau sourire et tu viens avec moi. On va finir par être en retard. Et je suis sûr que tu ne veux pas faire attendre Ekel !

Il fit enfin un sourire, aussi sincère qu'il se voulait rassurant.

- Tu as raison. Allons-y.

***

Il y avait du monde dans la salle, plus qu'il ne l'aurait imaginé. Des amis, des personnes de l'équipe, la famille d'Ekel – venu spécialement de Russie – sa mère... Tant de personnes venu assister à leur mariage.

Silencieusement, il remercia Sâme d'être avec lui, à ses côtés, lui tenant la main pour l'emmener jusque-là. En fait, il devait la remercier d'avoir toujours été présente, au cours de ses dernières années. Comment aurait-il fait sans elle ? La jeune fille l'avait aidé à traverser tant d'épreuves que, sans elle, il n'en serait pas là actuellement. Même cette journée, il lui devait. Après tout, elle avait contribué à la reformation de son couple. Dans une autre vie, ils se seraient sans doute mariés tous les deux.

Mais ils ne se trouvaient pas dans une autre vie. Aujourd'hui, une autre personne l'attendait.

Au bout de l'allée, sous le regard de tout le monde, Ekel se tenait droit. Lui aussi était ravissant dans son costume blanc cassé. Il semblait peu à l'aise dans cette tenue, loin de ses habits décontractés habituels. Il n'en restait pas moins ravi de vivre cet instant. Il n'attendait que cela : que Zeik arrive devant lui et que, sous le regard de leur témoin respectif et du public présent, ils se disent oui.

Avant de traverser les quelques mètres restant, Zeik prit un court instant pour lui. Sans lâcher la main de sa meilleure amie, il repensa à leur dernière conversation. Il leva les yeux vers sa mère, assise au premier rang. Elle le fixait, plus rayonnante que jamais, comme si cette journée effaçait tout le reste. Et c'était sans aucun doute ce qui leur fallait, qu'une partie du passé soit effacé. La femme soigneusement maquillée lui fit un petit signe encourageant. Elle voulait enlever ses craintes et ses doutes : il ne commettait pas d'erreur, il pouvait y aller.

Le japonais prit encore un instant, juste quelques secondes pour détailler son copain et futur mari. Il était absolument parfait, rien n'était de travers. En le voyant ainsi, prêt pour lui, il se demanda comment il avait pu lui faire du mal, le trahir, s'éloigner de lui. Durant un court instant, le regret revint envahir son esprit. Sâme dut le sentir. Elle posa ses doux yeux sur lui et serra un peu plus sa main. Elle aussi l'encourageait, le rassurait. L'heure n'était pas aux erreurs du passé, ils avaient avancé. Alors Zeik fit un sourire. Un à l'attention d'Ekel. Un auquel ce dernier répondit. Un échange de sourire ravageur, plein de sentiment, prêt à tout. Enfin, Zeik se remit en marche dans l'allée, sans lâcher du regard son copain. Plus il s'avançait, moins il hésitait. Lorsqu'il arriva enfin en face de lui, il réalisa à quel point il était prêt à vivre cet instant.

Prêt à rester avec lui le reste de sa vie.

Prêt à l'accepter.

Prêt à faire l'échange d'alliance.

Prêt à dire « oui, je le veux ».