Chapitre 7

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Ils ont aperçu la colonne de fumée bien avant que n'arrive l'odeur. C'était une grande cheminée noire qui tremblait jusqu'au ciel et s'évadait dans les affres de la chaleur où elle devenait floue. Il était difficile de ne pas l'apercevoir, elle devait indiquer des lieux à la ronde où se tenait le bûcher infernal qui l'alimentait.

Abdé a tiré la manche de son père et a indiqué du doigt un corps que découvrait le sable.

— Je sais, a fait Farouk, on a rejoint la caravane.

— C'est bizarre, a ajouté Nalah, des pillards ne se seraient pas embêté à cuire les cadavres, avec une telle chaleur, en plus.

— C'est parce que ce ne sont pas des pillards.

Nalah a fait un mouvement de la tête :

— Un prince ?

— C'est possible.

— Ça ressemble à quoi un prince du désert ? a demandé Shanalah.

Ils n'avaient pas parlé depuis des heures. Le soleil leur surinait la peau et ils ne subsistaient que parce qu'ils avaient pu boire assez. Mais l'eau s'épuisait, encore plus vite que leurs forces.

— Quoi qu'il en soit, si ces gens ont l'audace d'indiquer à tout le désert où ils se trouvent, c'est qu'ils n'ont pas grand-chose à craindre. Méfiance. Abdé ?

Abdé a hoché la tête et est parti en direction de la colonne de fumée. Farouk rechignait toujours à l'employer pour jouer les observateurs, mais il aurait regretté d'autant plus de laisser les femmes seules. Ils ont attendu sans bouger. Farouk leur a interdit de s'asseoir, ils n'auraient peut-être plus la force de se relever. Le soleil soufflait sa plus forte chaleur, ça irait mieux dans quelques heures. Pour l'instant, Farouk envisageait chaque possibilité. La moins pire serait la mieux, et la pire était d'attendre la mort, ce à quoi s'apparentait leur situation actuelle.

— Ils sont fous, d'allumer un feu par ce temps.

Farouk n'a pas répondu. Il s'économisait. S'il devait se battre pour survivre, il lui fallait toutes les ressources nécessaires. Ce n'était pas de gaieté de cœur qu'il avait retracé la caravane, mais parce qu'ils n'avaient rien trouvé depuis plus d'un jour et que leurs ressources s'épuisaient.

— J'ai faim, a gémit Shanalah.

Elle oscillait sur chacune de ses jambes. Farouk a évité son regard.

— Farouk, a supplié la gamine, j'ai faim...

Il a tiré des graines du sac et les a donnés à Shanalah. Nalah lui a envoyé un regard mauvais.

— Elle n'est pas la seule, Farouk.

— Oui, moi aussi j'ai faim. Abdé n'a rien mangé non plus.

Les traits de Nalah se sont froncés :

— Oh, Abdé ! Sacré Abdé, bravo Abdé ! Le fils prodige.

— Nalah.

Elle a fait la moue.

— Pardon. Je suis à cran.

— Moi aussi. Ce n'est pas grave.

Nalah était née à Djébri mais n'y avait pas grandi. Bébé, sa mère l'avait traîné dans tout le désert. À cinq ans, elle savait où trouver l'eau là où des locaux seraient morts de soif et elle avait parcouru plus de lieux que bien des nomades. Le désert n'était déjà pas tendre, à l'époque, mais Nalah n'y voyait rien de plus qu'un terrain de jeu. Quand Farouk l'a rencontrée, elle était sédentaire depuis une année mais souffrait du manque de voyage. C'était une accro de liberté. Elle était restée pour lui, sinon, disait-elle, elle serait repartie depuis bien longtemps. Puis ils avaient eu Shanalah. Dès lors, il n'était plus question de bourlinguer dans le désert qui devenait plus hostile. Nalah n'était pas de cet avis, et prenait sa propre vie pour exemple. Pourtant, elle ne savait pas ce que Farouk, lui, savait. Le désert changeait. Et il savait aussi qu'elle ne bougerait plus. Sa soif de voyage s'était éteinte, même si elle rechignait à l'avouer, et se convainquait du contraire. Ce manque ne l'avait jamais quittée et la brûlait toujours. Comme le soleil du désert.

Shanalah [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant