Chapitre 13

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— Qu'est-ce qu'on attend ? a grommelé Kimini.

Il savait quelques mots de leur langue. Ils n'auraient, de toute façon, pas besoin de s'ébattre en discussions, de l'avis de ce dernier. Les femmes refusaient de parler depuis qu'ils s'étaient mis en route. Maintenant, ils attendaient cachés derrière une dune. Kimini, lui, aurait préféré ne pas attendre le retour du soleil pour partir.

Ils voyaient défiler au loin des cohortes venues de l'est. Ça durait depuis des heures : les armées d'un homme qui voulait qu'on l'appelle roi.

Kimini était familier des tyrans. Les gens du désert avaient habitude de revendiquer leur liberté, loin des villes. Il avait grandi dans un village voué à la misère et au pillage des bandes de brigands alentour. Ces gens qui s'imaginaient libres avaient pourtant bien des maîtres et tous les prétendus princes du désert croisés sur son chemin ressemblaient aux hommes qu'il avait côtoyé : tous lui manifestaient le dégoût qu'il leur rendait. Kimini était un solitaire, mais non par choix. Ce là-haut ne lui inspirait que l'idée d'une autre prison, et il ne croyait pas au paradis dépeint par certains ; paradis d'où, évidemment, on l'excluait encore. S'il avait quitté son village, c'était seulement pour ne pas rester seul. Si sa famille migrait, alors lui aussi.

Maintenant, il n'avait plus personne. Rien que ces deux femmes qui refusaient de lui parler.

— Qu'est-ce qu'on attend ? a-t-il répété.

Rien. La gamine l'a regardé avec un air neutre, et s'en est retournée à regarder défiler l'armée. Tout ça n'en finissait pas.

— Oh ?!

La femme plus âgée l'a regardé avec dédain, et sans crier gare elle lui a sauté dessus. Elle griffait, son visage tordu de haine et de douleur en un rictus meurtrier. Kimini essayait de se protéger, en vain, la femme le dépassait largement en force et sa fureur la décuplait. Les ongles ont eu le temps de lacérer le visage de Kimini avant que la gamine ne la calme :

— Nalah ! Arrête !

— Je vous hais ! Je vous hais tous !

Elle s'est laissé faire quand la gamine l'a tirée en arrière. Kimini a senti toute sa figure le brûler et le gratter. La femme, elle, est restée debout à regarder dans le vide. Elle a eu un spasme et s'est laissé tomber sur le cul.

Kimini était terrifié.

— Désolée, a dit la femme en tournant son visage vers le sien.

Ses yeux l'ont balayé mais il n'a saisi aucune expression derrière ce regard. Toute sa haine avait disparue aussi vite qu'elle était apparue.

Il s'est relevé pour s'asseoir, a jeté un coup d'œil aux deux filles et à décider d'attendre.

Tout ça lui avait passé l'envie de causer.

Shanalah [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant