Chapitre 33

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Les éclaireurs sont revenus en nage. Ils n'étaient plus que trois, sur les quatre dépêchés par le Chah, trainants un cheval délesté de son cavalier.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'est enquit Nassim.

Son regard s'est promené sur la troupe. Les hommes avaient mauvaise mine, surtout l'un d'eux, affalé sur le col de sa monture, visage noyé dans le crin mais qu'on entendait respirer rauquement.

— Ç'a chauffé là-haut. On s'est tiré de justesse mais Abdel a pris une flèche. Djamel est tombé. Fauché, d'un coup. Leurs trucs crevaient la brume, on a même pas eu le temps de voir d'ouesse que ça venait, avec tout c'brouillard.

— Vous avez abandonné Djamel ??!

Le Chah s'agitait. Des hommes remontaient la colonne immobilisée, s'assemblaient autour de l'avant-garde pour former une ligne. Le Chah regrettait d'avoir abandonné l'éminence du cratère, qu'ils auraient défendue facilement contre leurs poursuivants venus d'en bas. S'ils leur tombaient dessus maintenant, ce serait une catastrophe.

Mais le cratère était loin derrière eux, maintenant.

Le type a désigné le cheval du menton :

— On a juste eu l'temps d'emm'ner le canasson. Djamel peut pas s'en être sorti.

— Je suis sûr qu'il est mort, a grogné Abdel, le blessé. Ce truc l'a traversé : c'est rentré puis c'est ressorti, comme dans de l'eau. Je sais pas ce que c'est que leurs foutues flèches, mais ça file plus vite que le vent du désert.

Sa jambe pendouillait contre le flanc du canasson, en sang. Il en contrôlait l'immobilité au prix d'efforts visibles, mais elle s'agitait parfois de sursauts et lui arrachait des râles.

— Aidez-moi à le faire descendre, s'est écrié Nassim. Il faut lui retirer cette saloperie. Eh, vous autres ! s'est-il adressé aux soldats qui s'amenaient, faites-moi venir un médecin. Hé, Abdel, ça va aller mon vieux.

— Vous n'avez rien vu ??? pressait le Chah, tandis que les deux autres descendaient de cheval.

— Rien, Chah. Quedal. Du brouillard, partout, puis ces trucs qu'ont vrillé. J'sais pas s'ils nous voyaient, eux, parce qu'on en a entendu siffler tout autour, j'pense qu'ils nous auraient dérouillés sinan. J'crois bien qu'ils tiraient au jugé, mais ils doivent avoir de sacrés bouts d'arc, parce qu'on n'en a pas vu un seul, de ces cons-là. On les a même pô entendu, chef.

Nassim a acquiescé gravement.

Avec l'aide de Farouk et d'Abdé, il a aidé le blessé à descendre, et l'a trainé pour l'allonger sur un tissu.

— Ça va aller mon vieux, a-t-il répété.

Il a examiné la jambe. Abdel salivait. La flèche s'était fichée profond dans le mollet et la pointe, seulement taillée au bout de la même hampe de métal, comme sa continuité, ressortait de l'autre côté. Elle était étrangement courte, pour une flèche.

— De l'eau ! Amenez-moi de l'eau !

— Est-ce qu'il pourra marcher ? a demandé le Chah, piétinant en rond, les mains croisées dans le dos.

Nassim l'a regardé, inquiet.

— Non, bien sûr que non, a continué le Chah. Délestez un dromadaire, qu'on le fasse porter.

— Deux pennes, a dit Nassim. Ça, c'est pas une flèche. Puis c'est trop court.

— Qu'est-ce que cela veut dire ?

— De l'eau, merde, amenez-moi de l'eau ! Ça va aller mon vieux.

— Je sais, Nassim, a grommelé Abdel. Simplement, je pourrais pas marcher. Je pourrais même pas me battre, s'ils nous tombent dessus.

Shanalah [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant