Chapitre 17

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La pire matinée de sa vie, Farouk s'en souviendrait à jamais.

Le soleil les avait surpris sur une dune. La chaleur avait grimpée d'un coup. C'était l'une de ces journées que l'on passe à l'ombre. Ces jours étaient nombreux dans le désert, mais celui avait été le pire d'entre tous et le soleil n'y était pas innocent.

Souvent, Sonia s'occupait du bébé. Sonia ne pouvait plus avoir d'enfants et ses garçons, qu'elle adorait, ne lui suffisaient pas. Elle aurait souhaité avoir aussi une fille. Mais les choses en avaient décidé autrement. Ainsi, elle se plaisait à prendre la petite Farah dans ses bras et la bercer pendant des heures jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Ça ne gênait pas Djikil, et ce dernier venait même parfois conter des histoires à l'enfant. Farah avait à peu près un an et était un adorable bébé qui ne criait que peu et souriait souvent.

Tous les trois étaient allongés au soleil, lorsque c'est arrivé.

Juste avant d'arriver au campement, Farouk a eu un pressentiment.

Le désert habituellement silencieux était envahi de piaillements. Dans l'azur du ciel, Farouk a aperçu un gros nuage noir, comme une tâche, ballotté par le vent.

Farouk a accéléré la marche.

Il n'y avait pas de vent.

— Farouk, il y a quelqu'un qui s'appelle Farouk ? a grogné une voix. Je cherche un Farouk. Le Chah le demande.

Farouk a émergé de sa torpeur et levé les yeux vers l'homme : c'était un cavalier de la garde du Chah, éclatant dans son armure baignée de soleil. Le soldat arpentait la file en braillant dans son dialecte. Il a remonté le groupe des hommes. Ceux-ci, éreintés, ne prenaient même pas le temps de s'enquérir de qui les interpellait, gardant leurs yeux le plus loin d'où brillait le soleil.

« Il doit mourir de chaud » a songé Farouk.

Il a relevé les épaules d'un coup sec. Abdé le pesait.

Le jeune homme était encore incapable de marcher seul. Il suait abondamment et relevait avec peine la tête. Il a pourtant fait l'effort d'adresser un regard à son père, qui l'a fait grimacer.

— Ce n'est rien, Abdé.

Le garçon a serré les dents pour former un sourire. Son torse lui faisait un mal de chien.

Farouk lui a envoyé une légère tape dans le dos.

— Tout va bien, fiston.

Pourtant, ce n'était pas la blessure qui lui balafrait le torse qui inquiétait Abdé. Le prince Cheik lui avait infligé une vilaine trace, mais seulement superficielle. L'autre, en revanche, lui grignotait le crâne : Shanalah. Shanalah qu'ils avaient laissé.

— Shanalah va bien. Sa mère est avec elle. Et ils sont avec le crokvi.

Il parlait à voix basse, dans l'oreille d'Abdé.

Quand Jazir était venu le trouver, il était sur qui-vive. Le Chah arrivait, ils n'avaient que peu de temps. Il l'avait informé du nécessaire et Farouk s'était aussitôt perdu en remerciement pour celui qui avait sauvé sa famille. Pourtant, il n'avait pas pu les rejoindre. Abdé était blessé. Il ne pouvait pas l'abandonner. Le Chah est arrivé juste après. Il n'avait pas revu Jazir depuis.

— On les retrouvera, a-t-il chuchoté encore.

Il s'inquiétait plus que ce qu'il n'en montrait et Abdé l'a saisi mais n'a pas insisté.

Ils ont revu l'homme passer, qui continuait de chercher son Farouk. Farouk a senti son regard les survoler mais l'homme a tracé, braillant dans les troupes.

Shanalah [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant