Chapitre 8

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Un soldat est venu prendre les ordres et les a emmenés où ils coucheraient. On leur a donné à boire et quelque chose à manger. Les rations étaient faibles mais ils n'avaient pas encore sué pour les mériter. Nul ne s'est plaint.

On les a parqués dans une grande tente, plus grande que celle du capitaine Jazir. S'y entassaient au moins trente personnes. C'était la chaleur du soleil, avec l'odeur en plus. Un homme a grogné dans sa langue en voyant la lumière s'engouffrer à l'intérieur. Y régnait un air moite, statique. Le soldat a braillé quelque chose et disparu. Shanalah s'est frotté les yeux : elle ne voyait pas grand-chose, le choc de la lumière aux ténèbres lui a donné l'impression de disparaître dans un puit.

Farouk est resté immobile et a porté les bras en croix pour retenir les autres. Des sons roulaient à l'intérieur, la confusion d'hommes tirés du sommeil. Il a reconnu un juron – sans en être certain, les dialectes s'adaptaient à chaque lieu du désert. Les gens couchaient par terre, sans rien. Farouk a deviné qu'on leur avait attribué la tente des réfugiés. Les gens utilisaient les mêmes mots, et il a reconnu la voix d'une femme – il n'y en aurait pas eu dans l'armée. Il a tiré sa famille et leur a trouvé un coin où ils se sont serrés les uns contre les autres. On s'entassait, ici.

Ils ont essayé de roupiller. On leur indiquait qu'ils travailleraient dès que l'heure s'y prêterait, c'est à-dire-quand le soleil déclinerait et que la chaleur serait moindre. Il avait connu pire, certains poussaient leurs ouvriers sous le soleil, qu'importe ce qui leur advenait ensuite.

Shanalah s'est endormie rapidement, Nalah a suivie. Abdé, lui, remuait. Son père a deviné que derrière ses yeux clos, il restait en alerte. Farouk s'est efforcé de rester éveillé quand même. Il se sentait partir, mais refusait d'y céder. Il avait entendu l'aide, il ne pouvait pas dormir.

Farouk a songé à la dernière fois qu'il avait dormi en paix. C'était avant l'arrivée de Yasmine et Salah. Farah venait de naître et elle l'a réveillé toutes les nuits suivantes. Il n'a plus jamais dormi pareil après qu'ils ont été partis.

Shanalah s'est surprise à rêver. Elle parlait. Farouk l'a entendue prononcer le nom de Séki. Elle bougeait et a envoyé un coup de coude dans la côte d'Abdé qui a grogné. Ils dormaient toujours ainsi : lui, Nalah à sa gauche, puis Shanalah et Abdé à l'autre extrémité.

Séki a rigolé quand il a vu que la fille ne savait pas traire et s'est moquée d'elle. La chèvre en a profité pour détaler. Elle s'est réfugiée à l'ombre, là où le sol formait une dépression et s'enfonçait sous le pan de montagne. Séki a ri, en pointant Shanalah. Celle-ci s'est renfrognée. Séki avait ce don de l'exaspérer. À croire qu'il en jouait pour la rendre folle. Il est parti en piaillant s'accrocher à Sonia pour lui compter comment la fille s'était plantée. Sonia l'a détruit du regard. Elle détestait presque autant que Shanalah la tendance qu'il avait d'appeler cette dernière « la fille ». Séki était plus clair de peau que sa mère, et beaucoup plus que Shanalah. Il était presque blanc, ce qui ne convenait guère à un gosse du désert. Régulièrement, le soleil lui collait de grosses plaques de rougeurs sur la figure et il passait le plus clair de son temps à l'ombre. Shanalah n'a pas rattrapé la chèvre, elle est partie voir sa sœur. Elle a seulement entendu claquer ; la joue de Séki allait encore rougir mais cette fois, le soleil n'y serait pour rien. Bien fait pour lui, elle a pensé. Farouk a ouvert un œil. Il ne dormait pas. Le bébé gigotait sur son ventre et agitait les bras. Shanalah l'a pris dans ses bras et Farouk a fait mine de ronfler.

— Je sais que tu dors pas !

Farouk a levé un sourcil tout en continuant son manège. Puis le deuxième. Shanalah a ri.

— Oui Shanalah ?

— C'est Séki, il m'a encore embêtée.

Farouk a soufflé. Il devinait très bien ce que cherchait le gamin.

Shanalah [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant