Shanalah ne trouvait pas le sommeil. Elle ressassait des pensées sombres qu'elle ne comprenait pas. Le sourire belliqueux et dépourvu de dent la hantait. Chaque fois qu'elle fermait les yeux, il s'immisçait aussitôt pour la tourmenter. Elle sentait le corps de Nalah serré contre le sien et qui gigotait parfois. Abdé, lui, ne bougeait pas. Shanalah était certaine qu'il ne dormait pas non plus.
— Abdé, a-t-elle chuchoté.
Elle a senti sa tête bouger et son regard se poser sur elle. Il a pris sa main et l'a serrée. Ça lui a rappelé quand ils dormaient à la belle étoile, seulement couverts par la montagne qui empêchait le soleil de chauffer le sable, lui qui dardait ses rayons sur l'ensemble du désert.
— Tu te souviens, Abdé, quand on dormait dehors ? Ça énervait toujours Farouk et Abdallah était obligé de nous raconter des histoires pour nous faire peur pour nous faire rentrer.
Abdé a souri. Abdallah racontait des histoires plus crédibles que celles que servaient Tarik mais elles n'étaient pas forcément plus vraies. Shanalah croyait pourtant à ses histoires de monstres.
— Les vers des sables ne sortent que la nuit, car le soleil les terrifie. Ils se nourrissent de viande mais elle est rare dans le désert alors pour la trouver, les vers des sables ont développé un odorat un peu particulier : ils sentent la peur.
— Ça veut rien dire, a gloussé Shanalah.
Abdallah a pris un air très sérieux et a approché son visage de la torche qui brûlait :
— La peur, ils peuvent la sentir de très loin et alors ils glissent sous le sable et on ne les voit pas venir, c'est impossible ! Ils sont si silencieux que lorsque leurs proies remarquent leur présence, c'est qu'ils sont déjà avalés et mangés par le ver !
Abdé a regardé le vieil homme, circonspect ; Abdallah a répondu d'un clin d'œil et Abdé a ri en lui-même. Shanalah ne prendrait pas, a-t-il pensé.
— Et où c'est que ça se trouve les vers des sables, hein ? a fanfaronné Shanalah. Farouk ne m'en a jamais parlé et pourtant il a vu beaucoup de choses ! Bien plus de choses que Tarik.
— Farouk n'en a pas parlé pour ne pas te faire peur. Pourtant ils sont bien là, aux aguets. Mais tant que tu n'as pas peur, tout va bien, a conclu Abdallah.
Abdallah s'est levé, et a dépoussiéré sa robe :
— Bonne nuit, Shanalah. Attention aux vers des sables, surtout !
Et il est parti avec sa torche.
Quand tout est devenu noir, Shanalah s'est frottée contre Abdé et a dit :
— Pff, n'importe quoi !
Et elle s'est mise en boule pour dormir. Pourtant, Shanalah ne s'endormait pas. Abdé la sentait gigoter :
— Tu crois que c'est vrai son histoire de vers ?
Abdé a haussé les épaules. La lune se cachait cette nuit et il voyait à peine sa sœur qu'il devinait seulement. Il savait que les ombres pouvaient masquer beaucoup de choses dangereuses, mais sûrement pas des vers des sables.
Il a entendu des frottements et a tendu l'oreille. Abdé avait l'ouïe plus fine que celle de sa sœur et il a tendu l'oreille. Il a cru entendre une voix, peut-être un râle. Il a pensé se tromper mais n'a pas relâché son attention. Le vent a sifflé légèrement. Rien. Puis de nouveau quelque chose.
Shanalah a commencé à s'agiter, elle s'est redressée et lui a touché l'épaule. Il sentait ses yeux posés sur lui. Alors elle l'entendait, elle aussi ?
VOUS LISEZ
Shanalah [TERMINÉ]
FantasyLa lutte de Shanalah, fille du désert, et de sa famille qui fuient leur monde ravagé. Ce là-haut existe-t-il réellement ? *illustration temporaire réalisée à l'aide de l'IA Midjourney