Chapitre 16

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— Maman, qu'est-ce qu'on fait ?

Nalah scrutait l'horizon. Le jour n'était pas levé mais elle pouvait voir les ombres processionner en une longue ligne silencieuse. Difficile de les manquer ou de ne pas les entendre, le bruit d'une armée résonnant dans le désert comme le cri d'un animal rare.

— On va là-haut. On va les suivre. Merde, Sha, tu veux pas réveiller l'autre ? Comment on peut encore dormir dans un moment pareil !

— Maman...

— Quoi ?!

— Et Farouk et Abdé ?

— Ils sont bien avec eux, non ? Alors eux aussi iront là-haut.

Nalah a plongé et a attrapé Shanalah :

— Chut, lui a-t-elle murmuré, quelqu'un vient.

C'est le moment qu'à choisi Kimini pour se réveiller. Nalah lui a collé sa main sur la bouche et l'homme n'a pas osé bouger, il a seulement écarquillé les yeux.

Un cheval s'amenait. Nalah a reconnu le bruit de l'animal, un cavalier juché sur son dos. Celui-ci a mis pied à terre, s'est immobilisé puis baissé. Nalah a deviné qu'il fouillait le sable, sinon qu'il cherchait quelque chose – eux peut-être.

La silhouette noire se découpait sur le ciel bleu-sombre. On devinait le sable s'étendre partout autour. Les étoiles s'étaient éteintes et la lumière qui perçait annonçait le retour du soleil. Un piaf a braillé quelque part et l'ombre a paru distraite.

Nalah a tiré la manche de sa fille et elles se sont éloignées. Kimini a suivi.

— Hé, m'abandonnez pas, a-t-il chuchoté alors qu'ils avaient rejoint une autre dune.

Nalah lui a collé un doigt sur la bouche, l'acculant dos au sable. Il a gesticulé.

— Shanalah ?

L'ombre a rejoint là où ils s'étaient trouvés l'instant d'avant. Sa monture se détachait à peine de la pénombre mais ils l'entendaient renâcler.

Shanalah a tressailli. Kimini a laissé échapper un soufflement : il peinait à retenir sa respiration et l'on entendait presque cogner son cœur. Nalah l'a regardé, furieuse. Shanalah a consulté des yeux sa mère, elle y a vu comme des flammes. Nalah a mimé le silence.

— Shanalah, si tu es là sors, je ne te veux aucun mal.

L'ombre attendait. Le vent a soufflé dans son dos, vers l'est, et elle s'est retournée. Il tenait sa monture par la bride et ils sont partis en suivant le vent.

— Maman ! a chuchoté Shanalah, c'est l'homme qui m'a aidé à fuir.

Nalah ne disait rien. Elle restait immobile.

— Il a dit qu'il dirait où papa et Abdé pourraient nous trouver, peut-être que...

Nalah l'a fixée avec un air qui l'a terrifiée :

— Un soldat, je ne fais pas confiance aux soldats.

Puis elle les a entraînés plus loin.

L'aube a étendu son ombre orangée et, petit à petit, a rendu au désert sa couleur ocre. L'armée était facile à tracer, elle s'étirait à perte de vue, du sable au sud à celui du nord jusqu'à l'horizon. Ils n'ont pas revu le cavalier, mais l'ont deviné plusieurs fois aux alentours. Une volée d'oiseaux nageait dans le sillage de la troupe. Au plus chaud du jour, ils ont aperçu la fumée d'un feu. Les soldats en fin de file s'étaient arrêtés mais ils sont repartis en laissant derrière eux les charognards mécontents : on entendait leurs cris envahir le désert.

Shanalah [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant