Les ombres du désert [Terminé]

Chapitre 14

Aldébaran, 1969

Quelques heures avant la cérémonie...

Zaina

Le miroir devant moi reflétait l'image d'une femme que je ne reconnaissais pas. Une longue robe traditionnelle rouge, broderies dorées, perles, bracelets...

L'ensemble était sophistiqué, mais simple. Rien de trop extravagant, et je savais que Jawhar avait joué un rôle crucial dans le choix de cette tenue

Soudain, une image fugace traversa le miroir comme un spectre : une jeune fille aux vêtements simples et au regard insouciant. Puis, elle disparut.

Où était passé mon ancien moi ? Une part de moi s'était envolée depuis mon enlèvement, comme les grains de sables emportés par le vent. Est-ce que Jawhar finirait par me délivrer comme il me l'avait promis ? Et si cela arrivait, pourrais-je retrouver une vie normale facilement ?

Un coup à la porte interrompit le cours de mes pensées nébuleuses. En ouvrant, je tombai nez à nez avec Kheilane.

- Oh, c'est toi ! dis-je, étonnée de la coir après quelques jours sans nouvelles.

- Manel est trop occupée avec les préparatifs. Madame souhaiterait que j'envoie quelqu'un d'autre ? demanda-t-elle poliment, bien que ses grands yeux bruns paraissaient plus bienveillants qu'à notre dernière rencontre.

- Non, pas du tout. J'ai juste été surprise. Entre, je t'en prie, l'invitai-je en souriant. Et tutoie-moi s'il te plaît. Nous avons presque le même âge. Elle acquiesça, et je souris, satisfaite.

- Tu es très belle dans cette robe, me complimenta-t-elle. Surprise, je fronçai les sourcils. C'était bien la première fois qu'elle me disait quelque chose de gentil.

- Pourquoi cette amabilité soudaine ? plaisantai-je. Elle leva les yeux au ciel.

- Un simple « merci » aurait suffi.

- Merci. Toi aussi, tu es très belle.

Elle l'était vraiment dans sa djellaba rose et beige, assortie avec son voile. Ses grands yeux bruns étaient soulignés d'un trait de khôl, et ses lèvres pulpeuses, d'un pourpre qui rehaussait son teint mat.

Dans la salle de bain, elle commença à me maquiller et, profitant de notre solitude, retira son voile, révélant une chevelure ondulée et châtain clair. Une fois qu'elle eut terminé, elle contempla son œuvre avec des yeux pétillants de satisfaction.

- Tu es de loin l'une des plus belles femmes que j'ai rencontrées.

Je sentis mes joues s'empourprer. Je ne savais jamais comment réagit face aux compliments.

- Merci, dis-je avec un petit sourire timide. Tu ne m'en veux plus ? demandai-je, repensant à notre dernière conversation tendue. Son comportement semblait si différent ce jour-là.

- C'est du passé. Et puis, Zahir m'a tout expliqué.

Elle se mordit la lèvre, comme si elle regrettait sa dernière phrase. Je fronçai les sourcils, déconcertée.

- Expliqué quoi ?

- Ça n'a pas d'importance, dit-elle nerveusement, éveillant ma curiosité.

- Vous êtes encore proche de lui ?

Son expression changea tout à coup, une lueur sombre traversant ses iris déjà obscures.

- Jawhar m'a parlé de vous deux, dis-je finalement.